Dimanche, on tourne... les pages (47)
LE DOUX PARFUM DES TEMPS Á VENIR
(Lyonel Trouillot)
« Femme je suis.
Et ta mère.
Ton premier souffle je l’ai tenu dans
mes bras, je l’ai senti sur ma peau.
Tu es née avec une odeur de fruit pur,
de rosée franche,
une odeur de route à prendre dans le
matin clair. »
Cet extrait mis en quatrième de couverture donne la clé de l’entretien poétique qu’imagine Lyonel Trouillot : une mère parle à sa fille et lui conte tous les parfums qui ont jalonné les étapes de sa vie. Jalons de haine, de peur, de désir et d’amour aussi.
Mais il serait réducteur de vouloir canaliser ce chemin de mots que la langue magnifique de Lyonel Trouillot trace, pour ne garder qu’un aspect du récit.
« je t’ai couchée dans un lit de mots. » dit la narratrice.
Il y a tant d’images, de rêves, de douleurs et de joies, tant d’enjolivements et de vérité dans ce monologue fluide d’une femme, d’une mère.
- Mère protectrice de l’innocence…
« J’ai couvert ton enfance d’un rideau protecteur
d’images, de berceuses,
et de personnages légendaires. »
- Mère éducatrice qui apprend à sa fille à aimer la vie et la conduit vers la vérité de son essence de femme.
« Il y a un temps pour l’illusion qui nous permet
d’aimer la vie. »
- Mère passeuse d’avenir et qui transmet à sa descendante « le doux parfum des temps à venir »
Comme j’ai aimé le sublime legs laissé par celle dont le cours de la vie va bientôt s’interrompre : un coffret vide.
« Je te le laisse parce qu’il est vide
et que personne ne peut le remplir à ta place. »
Admirable ! Je ne trouve pas d’autre mot pour décrire ce que j’ai ressenti à la lecture de ce petit bouquin édité par ACTES SUD… collection ESSENCES. Tout est dit.
(Monique MERABET, 8 Décembre 2013)
PS : cette lecture restera pour moi reliée à un épisode récent de ma vie, la disparition subite d’une amie. La veille de son départ, j’avais reçu un agenda qu’elle avait composé elle-même. Un legs impromptu, que je reçois aujourd’hui comme une invite à remplir les pages vides de ma propre substance, continuant un peu plus loin le chemin terrestre qu’elle vient de quitter.
J’ai toujours cru aux signes, aux résonances qui émaillent l’existence et lui donnent supplément de sens… et d’âme.