Ecrire aujourd'hui
ÉCRIRE AUJOURD’HUI
Soleil encore à l’Est
le vert d’un lézard
pour signer le jour
Il s’étale sur un pilier du balcon, le lézard vert à taches rouges (phelsuma de Madagascar) ; i shof solèy, suivant l’expression créole censée traduire « se chauffer au soleil »…
Un système dépressionnaire se situe à 1500 kilomètres de la Réunion. Été austral saturé de chaleur, toujours entre deux menaces cycloniques. Saturé d’humidité aussi : saison des pluies pour les racines emmagasinant l’eau en vue de la saison sèche et fraîche qui viendra.
Sur le câble
deux jeunes pigeons hésitent
le ciel incertain
Leur plumage ne s’est pas encore décidé : noir ? blanc ? marron ? un peu de tout ? Il leur manque sûrement quelques reflets, du vert mordoré au « gorge-de-pigeon » si bien nommé.
Mon bestiaire de chaque jour. Et ces trois chatons découverts hier, pelotonnés sur ma chaise… comment les chasser sans violence ? Les voisins irresponsables ne se sont pas préoccupés de stériliser leurs bêtes. Mais ne parlons pas des chats qui fâchent.
Fils électriques
le trapèze des oiseaux
s’aplatit
Finalement, il y a peut-être une saison pour que les oiseaux viennent ainsi s’exposer au soleil. Il faudrait que je vérifie dans mes cahiers du matin, cahiers de saison : cahiers-kigos s’il en fût !
Me relire. Retrouver la saveur des instants passés. Je le fais de plus en plus rarement. Il y a tant à écrire au présent.
L’écriture est vivante. Elle n’est pas conservateur pour l’éternité d’images disparues. J’aime écrire aujourd’hui, dérouler le fil mauve de mes pensées, de mes souvenirs.
Pensées… Souvenirs… N’y a-t-il pas redondance à les réunir au bout de la même phrase ? Nos pensées ne sont-elles pas conçues, formatées par les souvenirs de ce que nous avons vécu, appris, reçu en héritage ?
L’autre jour, on réfléchissait avec une amie écrivain(e) sur ce que recouvrait l’appellation « écrivain réunionnais » :
« Celui qui a été nourri de l’ile, de son passé, des traditions qui s’y sont implantées », dit Isabelle. Celui qui « pense » réunionnais, en quelque sorte.
Bruit de feuille sèche
je m’arrête, cœur battant
peut-être Doria…
souvenir d’une âme chère
elle pense encore à moi
(Monique MERABET, 29 Janvier 2014)