Portrait
PORTRAIT
Soleil levant
transparence d’une goutte
soudain révélée
Une guêpe s’abreuve à l’eau perlant aux thunbergias. Dégradés de teintes sur le balcon – camaïeu ce serait plus joli – en bleu. Les corolles qui se fanent savent décliner les nuances, en inventer de nouvelles.
Si belles ! Comme ce rose impondérable de l’hortensia. Il est vrai que les hortensias sont experts en l’art de varier les tons à l’infini. J’ai un faible pour les hortensias. L’âge les embellit.
Peut-être me faudrait-il trouver mes rides et mes taches… jolies. J’allais écrire pittoresques.
Découvrir le pays de mon corps visité de soleil et de vent. De temps aussi. Le seul marqueur au temps qui passe : paysages de peau qui se transforment instant après instant.
Le sourire de l’amie que l’on n’a pas vue depuis longtemps et qui s’écrie : « Je t’ai reconnue » comme une prouesse réalisée, à laquelle elle ne croyait pas. Le sourire de l’amie rencontrée pour la première fois. « C’est ainsi que je t’imaginais ».
Mais les mots échangés par delà l’océan… les mots décrivent mieux qu’une photo, parfois.
Bann mo i sote la mér, i sote dirèk dann kër… bann mo fonnkër.
Ma mère et ma sœur
la même tache brune
à ma joue gauche
Grain de beauté sur ma main, celui de Grand-mère, naevus à mon bras : signes de reconnaissance, signes identitaires. Cette impression forte d’appartenir à une chaîne, courroie de transmission qui jamais ne se brise. Mes gènes éparpillés depuis le commencement se retrouvent en chaque humain qui viendra. Peu importe le cursus de sa procréation.
Mes mots pour transmettre l’irréfragable sentiment d’être humain.
Les mots pour me dire
trâlée de lettres violettes
chassant la fourmi
(Monique MERABET, 28 Janvier 2014)