La mer qu'on voit danser (16)

Publié le par Monique MERABET

La mer qu'on voit danser (16)

(Dessin Huguete PAYET)

 

L’ARC-EN-CIEL ET LE CERF-VOLANT

 

 

 

Ce soir-là, un magnifique arc-en-ciel enluminait l’horizon des arches parfaites de son éventail multicolore. Marisette aurait pu se croire installée devant un écran géant, dans l’attente d’un spectacle enchanteur. Au-dessous, les bleus de la mer scintillaient et chatoyaient comme si l’on avait déversé à la surface de l’eau un fleuve de joyaux.

- Je connais une fable sur l’arc-en-ciel, dit Marisette, sous le charme. Veux-tu que je te la récite ? demanda-t-elle à la mer.

- Volontiers, répondit son amie. Mais, attention ! Articule bien et ne t avise pas d’ânonner le texte sur un ton plat et ennuyeux. Moi, j’aime quand c’est dit avec tout plein de vie et de sentiment.

Celle-là ! songea la petite fille agacée, il faut toujours qu’elle donne des leçons. Elle répliqua avec aplomb :

- Tu n’as rien à craindre, tu sais. Á l’école, je suis toujours la première en récitation.

Alors, elle se leva et alla se jucher fièrement sur la plus haute racine. Les deux pieds bien en équilibre, elle respira profondément pis déclama sa poésie d’une voix claire.

 

Au-dessus d’un lac sans ride,

Un arc-en-ciel majestueux

Déployait l’arche fluide

De son vitrail somptueux.

Du ciel encore tendu de gris,

Perlaient les fines gouttelettes

D’une bruine discrète.

L’arc-en-ciel, chatouilleux, en vit ses feux ternis.

« Otez-vous donc de là ! Ces larmes m’importunent ».

La pluie dit vertement : « Hé ! De votre infortune,

Je ne suis point responsable, l’ami !

Allez voir les nuages. Voilà les vrais coupables. »

L’arc-en-ciel poussa des cris épouvantables.

« Ô nues, déguerpissez ! Le gris souille mon âme. »

Les nuées grondèrent : « Dame !

C’est le vent qui nous envoya paître ici.

Adressez-vous à lui. »

Et l’arc, haussant son rouge à l’écarlate,

Accusa l’alizé de violer ses pénates.

Le vent était un sage ;

Il résolut de corriger l’impertinent.

Il chassa les nuages ;

La pluie les suivit, naturellement.

Et sur le ciel, d’azur repeint,

L’on ne vit… PLUS RIEN.

 

Lorsque Marisette posa la dernière syllabe du dernier vers, elle s’apprêta à descendre de son perchoir afin d’exécuter une gracieuse révérence… sous les applaudissements de la mer.

Quelle fut sa surprise – et sa déception ! – quand elle entendit une sorte de rire tonitruant qui résonnait tout autour d’elle.

Ce manque de savoir-vivre égratigna fortement l’amour-propre de la diseuse. Les larmes lui vinrent aux yeux et elle tourna le dos à cette mer si mal élevée et qui se disait son amie. Tu parles d’une amie ! pensa amèrement, Marisette. Elle aurait pu au moins se montrer polie.

La mer l’arrêta dans sa fuite.

- Attends Marisette. Ne te vexe pas ainsi. Ta récitation était très réussie et je te fais tous mes compliments pour ta diction. Le rire que tu as entendu vient de mon compère le vent, qui rôdait par là. Il a beaucoup apprécié ta fable, lui aussi, et c’est pour cette raison… Mais, il va t’expliquer cela lui-même.

Alors, une petite voix, douce comme un murmure de source, chatouilla agréablement l’oreille de la fillette.

- Bonjour, petite fille. Excuse mes éclats de rire qui ont pu te faire croire à une moquerie. En fait, le bon tour joué à ce grand dindon d’arc-en-ciel, m’a énormément réjoui. Ah, c’est trop drôle ! « Et dans le ciel… il n’y avait plus rien »… Ah ! Ah ! Ah ! Comme dit ma grand-mère :

 

Telle est l’erreur commune à bien des insensés :

Scier la branche à laquelle ils se sont accrochés.

Et, à nouveau, il repartit à rire, sans pouvoir s’arrêter. La mer et Marisette l’imitèrent.

Marisette se sentait à la fois rassérénée et un peu perdue. C’est tout de même perturbant de dialoguer directement avec un personnage invisible.

Quand le fou rire cessa, la mer, voyant le désarroi de la petite fille, fit les gros yeux au vent.

- Tu vois dans quel état tu as mis ma petite copine avec tes manières de garnement ! Pour te faire pardonner, raconte-nous donc une histoire, mais une histoire extraordinaire, venue de l’une de ces contrées que tu balaies à longueur de temps.

- D’accord ! dit le vent. Je vous emmène visiter les jardins de Djezba.

- Chouette ! Djezba, c’est le nom de ma poupée préférée, fit Marisette, ravie.

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M
Quel plaisir que cette jolie promenade salée aux côtés de la mer et de Marisette ! Merci Monique !
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D
Comme c'est réjouissant de te lire, Monique. Toujours en pleine féérie ! Félicitations aussi à l'illustratrice.
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M
Merci Danièle. Les vacances sont finies?