Dimanche, on tourne... les pages 14(24)
ZISTOIR IN PTI TORTU D’MÈR
( tèkst : Karoline HO – Zimaje : Mig PAROU)
Larg bann mo kréol
la kaz Madame Paul*, oté !
kèl koté i lé ?
(*petit clin d’œil aux fléchages en créole sur les lieux du Salon)
Ramené du Kabar Livkréolité qui s’est tenu au Port les 26-27-28 Septembre 2014, ce joli petit bouquin tout bleu :
ZISTOIR IN PTI TORTU D’MÈR de Karoline HO aux Éditions ORPHIE
Une belle histoire. Le voyage initiatique d’une petite tortue verte à travers les océans, une Kalina à la quête d’un impossible trésor et qui ne sait pas que :
« Mé ou ossi sé lo jarlor, nout tout sé d’jarlor » (Mais tu es toi aussi un trésor, nous sommes tous des trésors)
Belle affirmation qui clôt les pérégrinations de la petite tortue qui découvre ce que sont les vraies valeurs de l’existence et surtout qu’elles sont à notre portée… tout près.
« Ou la pa bezoin alé loin pou trouve jarlor ! Kalina, si ou rod bien, ou va trouv alu. » (Tu n’as pas besoin d’aller loin pour trouver un trésor ! Kalina, si tu cherches bien, tu le trouveras)
C’est la phrase leitmotiv qui revient à chaque nouvelle rencontre de Kalina avec différentes créatures de la mer qu’elle va aider à sortir d’une situation difficile.
Le conte est écrit en créole . Ici, une traduction en Français est donnée en fin d’ouvrage, ce n’est pas elle qui occupe la place principale pas même cette apparence de « bilingue » qui range trop souvent les mots du créole en accessoires. Non, l’album est en Langue Créole, un créole familier à ceux qui le parlent, qui en sont pétris. Des mots simples venus de nos mémoires, propres à réenchanter cette langue un peu appauvrie, trop phagocytée par un tout-venant de locutions françaises adoptées par paresse (pourquoi faire l’effort de chercher le mot créole convenable…), des anglicismes martelés par une mondialisation consumériste de plus en plus envahissante. Ici, Karoline HO nous restitue la saveur d’un parler authentique.
Et bien sûr, on brûle d’envie de la raconter cette histoire, de dire ce texte qui se prête bien au racontage. On a envie de « mettre le ton », d’accompagner de gestes cette tortue qui « najé, najé, najé »… La répétition des épisodes de rencontre, des situations de sauvetage, des dialogues entre Kalina et les autres animaux marins se prête bien à capter l’attention des auditeurs, petits ou grands. Et, nul doute que les plus petits retiendront bien vite ces mots qui reviennent comme des ritournelles et… gare au lecteur adulte qui y rajouterait ou enlèverait quelque élément : Non maman ! Non Papa ! Non Mamie ou Papy ! Non maîtresse… ce n’est pas comme ça !
Merci à Karoline HO pour la magie des mots créoles qui enchantent ma lecture. Merci aussi à l’illustratrice Mig PAROU pour la douceur de ses fonds sous-marins où même les filets, mok an tol et autres plastiques sont peints avec légèreté, prêts à être délestés de leur dangerosité. On veut y croire, on y croit, que la pollution peut être vaincue…
Et un deuxième merci à la jeune auteure qui m’a regonflé le moral en m’assurant que son livre ne contenait aucune plage à « flasher » pour que l’enfant entende l’histoire sans l’intervention des parents. Elle m’a rassurée en me confiant qu’elle « privilégiait les rapports humains ».
Et ce bel album bleu y réussit magnifiquement.
(Monique MERABET, 28 Septembre 2014)