amalgame
AMALGAME
tourterelle,
je l’imite dans ma tête
- nous roucoulons ?
mêler au chant de l’oiseau
le silence de mes mots
Des jonchées de fleurs diaphanes s’étalent comme des méduses dans l’herbe gorgée de pluie. Méduses… métastases… les nouvelles ne sont pas bonnes : cellules cancéreuses colonisant les os pour l’un, tumeur virulente enflammant les poumons de l’autre…
Les fleurs, ce matin, ne m’inspirent que des métaphores vénéneuses – ô nénuphar délétère de l’écume des jours ! Où loger la gratitude de ce jour de Carême ?
La pluie, peut-être, venue rompre l’oppressante canicule, gouttelettes tintinnabulant sur mon sommeil. Les fleurs du buis de Chine l’avaient prédit.
Chaque jour est un amalgame de joies, de peines : petits bonheurs timidement épanouis, à cueillir d’urgence, à recueillir d’une âme bienveillante.
Sur ma table-écritoire, une fleur échappée au cœur-de-bœuf m’offre ses courbes gracieuses ; toute desséchée, elle ne donnera pas de fruit. Mais j’aime l’arrondi de cette minuscule crosse, l’ombre qui rebique. Et cette langue tépale s’insinuant entre deux autres, l’entrelacs que la lumière projette…
Je l’ai ramassée, sous le feuillage dense, elle n’avait pas pris une goutte de la dernière ondée ; elle était là, pour moi, ce matin. mi-plante, mi-bestiole, sortie d’un univers de Science-fiction : une plantiole. Ah ! Imaginer un monde de gentilles plantioles, de médupétales aussi, pourquoi pas ?
Est-ce assez de pouvoir jouer avec les mots, les combiner, les amalgamer ? Se reposer des soucis sur ce lit de petits riens, ces feux follets d’écriture ?
Assurément. Écrire ces brins de lettres assemblées, c’est aussi dire la Vie, dire l’instant. Et les partager même s’ils sont insignifiants. Les semer dans un espace-temps aléatoire…
Qui sait si un mot, modeste soit-il, ne viendra pas accrocher la pensée d’un autre, ne fusionnera pas avec elle pour créer une étincelle de joie, une virgule de sérénité, un coma dans une partition de bruit et de fureur ?
Kisa i pë konète…
(Monique MERABET, 4 Mars 2015)