Et le lendemain...
ET LE LENDEMAIN…
Nouveau président
pourquoi tinte ce glas juste
en ouvrant son mail
Je regarde les capucines, j’écoute l’oiseau : pétales chiffonnés, chant couleur orange. J’écoute les capucines, je regarde l’oiseau. Et ce parfum lointain de feuilles écrasées entre mes doigts d’enfant.
Les odeurs de ce matin, c’est l’eau de toilette d’un passant derrière la clôture. Assorties aux paroles assourdies de la radio. Mon stylo en suspens.
Lendemain d’élection américaine au sinistre présage. Les Français vont-ils aussi choisir le plus raciste, le plus sexiste, le plus machiste ? Celui qui prône l’exclusion, le protectionnisme, le repli sur soi ?
Est-ce cela le rêve américain ? Fichue chimère qui se dégonfle soudain, devient ectoplasme s’évanouissant. Bulle trop fragile ce rêve d’Amérique, comme le rêve britannique des migrants, le rêve humaniste des demandeurs de liberté-égalité-fraternité.
Et voilà que mon stylo se met en action : mots qui se délient, écriture automatique des craintes ressassées. Que sera demain fascisant, rejetant, délirant ? Partout se manifeste ce désir d’entre nous, de chez nous, arc-bouté sur nos traditions ; pas de place pour l’autre sinon derrière le mur à construire pour s’abriter des égrégores que nous créons.
Même les soi-disant poètes peuvent écrire :
« Aucun Européen ne pourra maîtriser la civilisation japonaise. Chaque Français a dans son cœur le sang de ses ancêtres, ses terres, son patois, ses tubercules. Toute cette archéologie, c’est la vie paysanne d’un tableau de Jean-François Millet. »
(extrait d’un article paru dans « Agora » la revue de la Société des Poètes Français, à propos du haïku)
Millet… et la boucle est bouclée, ô bienheureux Français dont la (bonne) souche correspond au territoire qu’il habite !
Oui, soudain, ma plume qui peine à décrire mes bonheurs du jour, se déchaîne, me démange de poursuivre mes récriminations, d’apporter mes arguments, de démonter une à une les affirmations fallacieuses. Je la refrène.
La règle est de ne rien écrire qui m’enlaidisse l’âme, qui me la rende triste et rancunière. C’est déjà assez affligeant que ces propos viennent me hanter dans leur ridicule insanité.
Mon incurable naïveté m’insinue (presque) que c’est là bouffonnerie à prendre au second degré, que l’auteur conclurait par un éclat de rire, je vous ai bien eus.
Las… Donald Trump président des États-unis, est-ce une plaisanterie ? Un cauchemar ?
(10 Novembre 2016)