Pêcher ou voter

Publié le par Monique MERABET

Pêcher ou voter

PÊCHER OU VOTER

 

 

 

Pastel du ciel

l’orangé du cardinal

comme il a pâli

 

Lendemain du premier tour des Présidentielles. Écrire demande un minimum de sérénité, de vacuité.

Secouer les pensées moroses qu’a ressassées l’insomnie, vague après vague. Reculer d’un pas pour ne pas être éclaboussé.

Heureusement, il y a la mer, laissant à chaque retrait une plage scintillante.

 

Mer d’après-midi

entre gris et violet

une bande verte

 

Promenade au bord de mer, après le vote, hier. Un pêcheur prépare soigneusement sa ligne : fil nylon à dérouler, canne télescopique à étirer, un fragment après l’autre, enclencher la virole de sécurité d’un coup sec, placer l’appât… quelque chose de vivant ? Un leurre ?

Caler la longue tige métallique entre les galets. Lancer jusqu’aux flots. Du banc où je suis assise, je ne distingue pas le fil, pas même un rai lumineux. L’homme s’accroupit, s’adossant contre le muret de galets, niche creusée jusqu’au sable. Il s’agit de contrebalancer le  mouvement de la ligne emportée par la vague descendante. Si près du bord, quelle sorte de poisson espère-t-il ramener ?

J’attends avec lui. Je suis impatiente de voir ce frétillement au bout, le moulinet qui rembobine le fil. Trois fois, il recommencera le même manège, changera d’appât, relancera. En vain. Suis-je déçue ?

Dimanche au bord de l’eau. J’ai l’impression d’avoir perdu mon temps. Je n’ai vu que l’écume inlassable, les filets d’eau sur le sable découvert, les stries dessinées aux vagues mourantes.

L’homme est-il déçu ? Je l’abandonne à son interminable guette, à l’éternel recommencement de l’océan berçant ses galets. C’est peut-être cela que le pêcheur recherche : se griser du balancement perpétuel, se gaver de la blancheur de l’écume et du raclement sourd des galets, oublier l’ennui de ce rivage monotone. Est-il allé voter ?

 

La mer tricolore

un pêcheur lance sa ligne

en eaux troubles

 

A-t-il désiré sentir pour un instant, l’espoir de briser la banalité d’un quotidien éculé par l’éclat d’un  poisson d’argent — trop petit pour le cari — qu’il rejettera à l’eau. Allez ! Au prochain…

Il pêche. J’écris. Écrire ramène un peu de sérénité.

 

(24 Avril 2017)

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