Les martins du lundi
LES MARTINS DU LUNDI
Chahut des martins
au-delà des feuillages
rêve à raconter
Écrire, même si l’on n’a rien à dire. Rien ? Être vivant, n’est pas rien…
J’aurais pu préciser : rien de remarquable… Hum… Les martins battant la langue de ce matin, qu’avaient-ils donc de si important à déclarer ? Des ladilafé ? Des querelles de voisinage ? Ils faisaient un chahut de tous les diables.
Chahut… cacophonie… les mots révélateurs de nos intolérances. Pourquoi pas concert (comme pour les oiseaux du manguier) ? conciliabule (comme pour les escargots) ? palabre (comme pour les pigeons) ?
Leurs krouèk un peu rauques, à la limite du croassement — corbeaux, freux, corneilles de sinistre augure — entraînent toujours des propos dépréciateurs.
Ce que je ressens comme disharmonie, je pourrais aussi bien le qualifier de rock, heavy, metal, hard, etc. Tout un pan de la culture moderne qui reste inaccessible à mes oreilles bercées de Mozart et de Bach ; je ne reconnais belle que la « vraie » musique, celle qui arpège, qui s’écrit sur partitions, qui se festonne de variations… pas ces agressifs hurlements de sauvages… Ah ! Toujours la référence au « sauvage »… il y aurait tant à en dire !
En ce moment, je lis « Itinéraire d’un poète apache » (Guillaume Staelens) et je découvre que ces vociférations — fermez vos chastes oreilles — ont un sens pour toute une génération qui veut échapper au fric numérisé, sont l’expression d’un refus, d’une révolte.
Liserés blancs des ailes
des martins envolés
je n’apprendrai rien
Alors, écrire ce matin, même si je n’ai que l’incohérence d’un rêve à livrer aux pattes de mouche — je ne peux vraiment pas appeler cela calligraphie — de mon stylo griffant le papier.
Ou bien écrire ce qui peut être synopsis de conte : trois petites fées font l’école buissonnière et s’arrêtent sous un manguier en quête de B A à leur façon. Perché sur une branche, un martin s’égosille. « Pauvre oiseau, qu’il chante mal » dit la fée Rosette et d’un coup de baguette, elle le dote de gazouillants cui-cui… Et Maître martin qui n’y comprend rien, se fait huer par ses frères qui ne comprennent pas son langage.
(22 janvier 2018)