Petites nouvelles d'avant cyclone

Publié le par Monique MERABET

Petites nouvelles d'avant cyclone

PETITES NOUVELLES D’AVANT CYCLONE

 

 

 

Coup de vent

Avec l’abeille

Les pétales s’envolent

 

Ce matin encore, ces parfums entêtants. Et les abeilles. Cela me fait grand plaisir de savoir qu’elles sont toujours là, qu’elles peuvent raccommoder notre monde à la tendresse trouée.

Elles sont venues grand matin, butiner tout ce qu’elles pouvaient des fleurs bientôt fanées, bientôt emportées par la tempête.

 

Avant le cyclone

Ruissellement de fleurs de cerisier

Sur ma tête

 

Nostalgie de poète : ce qui n’est plus, ce qui a à peine été… Mais le cerisier n’a pas d’autre ambition que d’offrir à la terre un blanc tapis d’épousailles. Qui sait ?

 

Alerte orange

C’est l’oiseau qui l’annonce

Tip, tip, tip…

 

Ailleurs la bêtise des mains humaines s’arrachant quelques bouteilles d’eau. Devant le temps pas si dégradé que ça dans le nord, en tout cas, cette réflexion d’un internaute : « On va bientôt retrouver de l’eau à vendre sur le bon coin… »

Le prévisionniste de service, lui, se gargarise de pompeuses explications sur la trajectoire qu’ils nous ont prédite, « celle qui recueille tous nos suffrages », grandiloque-t-il… Ils se la jouent aux dés ? Ou à la roulette chinoise ? Il finit quand même par lâcher ce scoop qu’il faudra compter avec du vent (fort) et de la pluie (forte). Ah bon ?

La voix juvénile d’une journaliste (sic) qui demande si la population doit se préparer à l’évacuation ! Elle a oublié que nous sommes île ?

 

(17 janvier 2018)

Petites nouvelles d'avant cyclone

PETITES NOUVELLES D’AVANT CYCLONE (bis)

 

 

 

Posés sur les fils

oiseaux vous demandez-vous

si viendra l’aurore

 

Imminence. Les volets ouverts, le gris crépusculaire nous submerge de cette sensation, brouille notre horizon, nos repères.

Pas de montagnes en vue ; quelques toits fantomatiques se dressent, lumières éteintes.

Le vent nous arrivera — berguitta-surprise — du sud, brutalement. Nul ne sait quand. Le cyclone/tempête emmasque* soigneusement ses chemins. Berguitta au bel œil a pris du retard, s’est perdue dans une pause trois jours trois nuits, à regarder sa voie lactée de nuages.

 

Nuages de nuit

nuages de jour

tout est nuage

 

Berguitta la malice fait du surplace, refuse d’entériner la belle courbe tracée par nos météorologues langue de bois, langue cabri détournée par l’objet des ladilafé, èl i sar pass par isi, èl i sar pass par laba…

N’empêche ! Tout semble en attente, suspendu.

Les oiseaux ponctuent les câbles, face à l’est, face à l’ouest — Maman où il est le nord ? — cherchant le soleil : pas encore levé ? déjà couché ?

 

Inflorescence éparpillée

une seule étoile

dans la fougère

 

Je devine un iris flottant sur un océan d’herbe. Il pleut tranquillement ; il pleut pour nourrir la terre, pour nos lendemains possibles. La pluie berce nos craintes, chant d’espérance, peut-être incantation pour calmer la tempête.

Et l’attente se poursuit aux feuillages parfois frémissants. Se préparent-ils aux assauts du vent ? Ont-ils l’innocence de ne pas s’en préoccuper ? Passera ? Passera pas ? à quelle distance de nos côtes ? Cela seul importe

 

Les radios crachotent

cyclone perdu en mer

qui s’en soucierait ?

 

(18 janvier 2018)

 

*emmasquer : verbe d’origine provençale pour parler d’un envoûtement… rapporté par le Littré. À remettre en usage ?

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