La voix de la Terre

Publié le par Monique MERABET

La voix de la Terre

LA VOIX DE LA TERRE

 

 

 

L’acte le plus courageux,

 c’est encore de penser par soi-même.

À haute voix.

(Coco Chanel)

 

Depuis tout ce temps qu’ils m’ont asservie, qu’ils ont fait taire ma voix, murmures et prières ds plantes et des pierres.

Ils ont mis en sourdine la voix de Création en moi, mis un étouffoir à l’allégresse de porter fleurs et fruits, feuilles et branches, tranché au vif de cet Éden qui transparait encore dans chaque semence qui germe et qui grandit sans qu’ils en aient conscience, sans qu’ils changent d’un iota le déploiement des corolles, leurs formes, leurs couleurs… ou alors leurs pitoyables manipulations pour me farder, me parfumer, me mettre en cage : rose, tu t’appelleras !

Ils n’auront qu’abouti à la destruction d’un paradis qui perdure encore dans chaque brin d’herbe, chaque grain de poussière qu’ils foulent avec dédain.

Ils m’ont décrétée terre-femme, nourricière, ventre à féconder de leurs appétits de tout, de plus, de trop.

Ils m’ont colonisée, mise en alignements monotones, champs et vergers, exploitations mécanisées, ils ont traqué le moindre bosquet, la plus petite haie ; on dirait que ça les gêne aujourd’hui d’enfouir leur main dans ma substance noble et vivante, dans mon humus aux senteurs de petrichor, de ramasser un caillou, de le garder comme un trésor.

 

Ah ! Bien sûr, de tous temps, je me suis rebiffée, je me suis indignée, j’ai tonné ma peine, j’ai mordu de mes grêlons, enseveli sous mes pluies, dévalé leurs pentes, dégringolé en torrents de boue jusqu’à la mer. Mais ils ont feint de ne rien entendre, ils m’ont bâillonnée de béton, enchaînée d’un réseau de rubans d’asphalte ; ils ont dérouté l’eau de mes rivières, empoisonné la sève de mes bois et mazouté les plumes de mes libres oiseaux. Tant d’essences et d’espèces disparues…

Alors, aujourd’hui, je vous le clame à haute voix : De vous, je ferai table rase et je renaîtrai Éden. 

 

(15 juin 2018)

 

PRIÈRE POUR L’ARBRE CHANSON

 

Ô mes frères humains

mes frères de destin !

Si vos cœurs espèrent encore

en une possible aurore

écoutez la prière

qui monte des taillis,

murmure et souffle attendri.

 

Frères humains,

frères de destin,

arrêtez le silence sinistre

du béton !

Que plus jamais ne tombent

les arbres-chansons !

 

(Monique Merabet in L’arbre chanson, SURYA éditions)

Publié dans Automne ou printemps

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