Cadrans solaires aux oiseaux
CADRAN SOLAIRE AUX OISEAUX
Envol d’oiseaux
marquant l’heure du réveil
qu’importe leurs noms !
Sur le mur écaillé, les moisissures simulent une autruche. Suivant mon angle de vision l’oiseau semble avoir la tête au bas du dos. Le mur-ubac qui ne reçoit jamais le soleil (plus précisément, je ne le vois jamais au soleil) révèle ses fresques à mon regard en vacuité.
C’est ma présence (non présence) qui régit la vision ; c’est ma position qui en détermine la perspective.
Rêver de plus en plus à ce pèlerinage du temps, à la recherche des cadrans solaires. Établir la liste des villes qui en sont pourvues : pierre nue, marbre ou sable, gravures de fleurs d’animaux, de personnages ou simple bâton. Gnomon.
Cadrans décorés d’oiseaux, pourquoi pas ? Coucou ! Coucou ! De l’alouette du matin à la chouette du crépuscule, dans le sens des aiguilles d’une montre… à moins de tout mettre sens dessus dessous, lève-tôt, couche-tard.
L’alouette et la chouette, venues sous ma plume, ne sont que des oiseaux fantasmés : je ne les vois jamais dans le ciel réunionnais. Toujours ce syndrome de sak i vien dëor, sa lé méyër mon zanfan. (ce qui vient d’ailleurs, c’est mieux, mon enfant)
Pourquoi ne pas choisir plutôt l’oiseau-lunettes de l’aube qui engazouille le manguier et les moineaux qui s’abattent le soir pour recueillir les miettes laissées par les pique-niqueurs, bulbul de cinq heures l’après-midi, qui vient chanter sur le balcon ?
Les oiseaux de mes heures : oiseau-lunettes, moineau, pigeon, moineau, tourterelle, moineau, bulbul, moineau, martin, moineau. Un son bref au clocher vient de marquer la demie, à peine plus précise qu’un cadran solaire d’un jour gris.
Je pourrais aussi ressusciter les oiseaux perdus de l’Eden, quand l’île était Dina morgabim, england forest* : perroquet, oiseau bleu, pigeon rose, dodo, aigrette, cormoran, sarcelle, hibou de Gruchet, huppe de Bourbon… noms égrappés à l’ouvrage de Jean-Michel Probst et Pierre Brial, Récits anciens de naturalistes à l’île Bourbon.
(17 juillet 2018)
*noms qu’a porté l’actuelle Réunion au cours des siècles : Dina Morgabim (l’île de l’Ouest) donné au XIIe siècle par les Arabes, England Forest, c’est ainsi que l’a rebaptisée un forban anglais au XVIIe siècle