L'île-mère
ÎLE-MÈRE
Jardin d’aout
guetter les premiers renflements
des iris
Si ! Si ! Un air de printemps. En tout cas je veux m’en persuader. Mon esprit ne supporte pas d’être trop longtemps en hiver.
Florebo quocumque ferar (Je fleurirai partout où je serai porté… ou planté ?) devenue devise de la Réunion.
Partout tu fleuriras. Partout tu chercheras les fleurs et les fruits du vavangaj, ceux dont t’a nourrie ton enfance réunionnaise.
C’est cette quête que sous-tend l’écriture réunionnaise (la mienne… Oups !) ; c’est elle qui nous ramène à l’innocence d’une île vierge.
Tout était vert et paix
émeraude clarté.
Île ma sœur île
vois-tu venir les noirs vaisseaux ?
Vite ! D’un châle de brume
couvre tes joyaux.
(extrait de L’arbre-chanson, Monique Merabet, Editions Surya)
Le mythe de l’île-Eden… celle d’avant le(s) peuplement(s), nous l’avons tous gravé dans l’âme. Et sans doute aimons-nous rester, pensée suspendue au-dessus de la béance de nos trois cirques, matrices originelles de nos identités.
Cirques de refuge, de marronage, de ce qui doit rester caché, non-dit. Ils nous permettent de rêver d’ailleurs, d’au-delà, de ce qui ne nous a pas été accordé. Un goût d’inaccompli à jamais.
Nous nous sentons tellement à l’étroit entre la mer de tous les dangers et la montagne que l’on voudrait sanctuarisée mais que ronge l’extension de cet habitat anarchique — chacun sa case avec cour, a dit la ministre « je vous ai compris » — nécessaire cependant ; combien serons-nous demain ?
Et le volcan toujours actif, prêt à tout brûler de nos cultures vivrières, de nos forêts, de nos endémiques plantes et animaux. Rêve de lune pour une île-reg qui lui ressemble.
Jusqu’à quand pourrons-nous nous accrocher aux flancs-jupe de l’île-mère ?
Tronc basaltique
la liane Saint-Jean
se rêve lave
(18 aout 2019)