Pensées pour la nuit
PENSÉES POUR LA NUIT
Vieux tronc du manguier
ce que je n’ai pas su lire
dans la nuit s’efface
Écrire quelque chose avant la nuit. Écrire pour elle, pour lui rappeler qu’elle est vie.
Mais la nuit déjà a pris possession du jour et les pensées s’éteignent. Les oiseaux ont retrouvé leurs abris. Chaque fleur s’est mise en mode nocturne : épanouissement des belles de nuit, étiolement des iris d’un jour, repli stratégique du lys orange qui se rouvrira aux premiers rayons… ou des nénuphars libérant les abeilles.
Nostalgie du couchant
qu’est-ce qui a bien pu
m’échapper ?
Le soir qui tombe m’apporte tout un fatras de pensées équivoques, épicènes, le bilan souvent morose « qu’ai-je donc fait aujourd’hui ? » : démons inassouvis de mes heures qui se rêvent besogneuses et fertiles. Ils arrivent en force pour me commander : Fais… Fais… Fais…
Et moi qui fais celle qui comprend Fée… Fée… Fée… Une fée du ménage et de l’ordre en négatif. La carte postale offerte pour la Sainte Monique… Oups ! Tout à fait moi, ça ! Lire au sommet d’une pile de vaisselle.
Et puis me sentir piégée : le fénoir arrive et je ne suis pas prête pour rejoindre cet autre monde, tous mes sens endormis, une île sans frontière, un paysage qui m’est étranger et dont je suis l’étrangère ou parfois la transfuge quand s’offre une insomnie. L’univers intermittent d’un rêve : pourquoi ne se révèle-t-il pas en plénitude ?
Qu’y a-t-il derrière le voile de nuit ? L’ai-je su un jour ? Le saurai-je jamais ? La pensée effrayante et rassurante à la fois, l’attente d’un je ne sais quoi.
La vie étonne-moi !
Et puis la nuit qui passe, coup de balai, coup d’éponge, poussières glissées sous un providentiel tapis… Mon tapis de coins que j’assemblai hier si maladroitement est à refaire, à recomposer autrement.
Le chant du bulbul
se réveiller et se dire
hier n’était pas si mal
(27 aout 2019)