Lune du vendredi 13
LUNE DU VENDREDI 13
Lune en surbrillance
dans ma poêle grésillante
deux œufs sur le plat
Apparentements, correspondances… Semblances et ressemblances. Le haïku permet ces associations : liens entre ciel et terre, entre cosmos et quotidien.
Nos actes, nos choix, sont-ils déterminés par une logique divine, nous sont-ils suggérés par une mystérieuse petite voix intérieure, voire par des anges informels qui, parfois, prennent corps de nuages ?
Toujours répondre à une pensée par une interrogation. Éviter qu’une assertion lourde et banale nous tombe dessus, appesantissant le jour.
Non dit. Mon haïku posé en en-tête n’est sans doute pas fameux mais je sais qu’il m’est venu alors que je faisais cuire des œufs. « Va te faire cuire un œuf ! » menu que m’a peut-être soufflé la lune, si brillante ce soir là.
Des amis qui reviennent du Japon m’ont raconté leur kukaï traditionnel, là-bas. « Ils commencent par compter les syllabes et chercher le kigo. Puis ils demandent quel est le lien entre les deux premières lignes et la troisième » (kireji). Qu’aurais-je pu répondre si mes œufs étaient nippons et non réunionnais sur ce passage essentiel, cet entrebâillement censé relier les pensées de l’auteur et du lecteur ?
Ce qui donne sens au tercet, de façon implicite mais accessible à l’autre.
Ainsi cet autre haïku que je n’avais pas compris : il y était question de « la rivière des bougies » qui « coule sous la foule »… En fait, il évoquait la fête des lumières, les embarcations photophores glissant sur la Saône et la foule se pressant sur le pont.
(16 décembre 2019)