Jornées Haïkus 2020

Publié par Monique MERABET

Jornées Haïkus 2020

JOURNÉES HAÏKUS 2020

(Balade au Jardin de l’État)

 

Les vrais compagnons ce sont les arbres,

les brins d’herbe,

les rayons de soleil,

les nuages qui courent dans le ciel crépusculaire ou matinal,

la mer, les montagnes.

C’est dans tout cela que coule la vie,

la vraie vie,

et on n’est jamais seul quand on sait

la voir et la sentir.

(Alexandra David-Néel)

 

À la fin des deux jours de formation à l’écriture de haïkus, une professeure participante me tend, un peu timidement,  un petit carré de papier, arraché à son carnet. Elle a écrit :

 

Jours de février

balade au fil des mots

je respire haïku

 

Remerciements pour ces moments fervents et joyeux passés ensemble. J’apprécie que ce soit une page de cahier, quadrillée, écrite à la main. À noter d’ailleurs que mes « élèves » de cette année (une dizaine d’enseignants) ne s’étaient pas encombrés d’ordinateurs ou de tablettes. Je me suis sentie moins décalée, moins obsolète.

J’aime aussi qu’elle évoque cette balade au jardin de l’État, un des clous de la formation.

La balade haïkiste (ginko… Ah ! j’ai oublié de leur dire le mot), il y a un avant, il y a un après.

« Je n’ai jamais pris le temps de flâner ainsi, tous sens ouverts ; je suis plutôt du genre à marcher les yeux baissés sur mes souliers, ruminant mes pensées. »

 

Banc au bord de l’eau

Dur d’écrire un haïku !

Un pigeon s’élève

 

Et la balade peut commencer. À chacun son parcours, ses sentiers… les petits carnets se remplissent de la glane au fil de l’eau, le long des troncs noueux fleuris de lichen ou de striures, dans les feuillages tout là-haut.

 

Palmes au fond du bassin

ombres et vie se confondent

 

Tout est haïku. Les miens captant les vibrations végétales, animales ou… humaines

 

Nénuphar crémeux

l’abeille sait son parfum

balade haïkiste

 

Jardin de l’État

au choix hélicoptère jaune

ou débroussailleuse

 

Personnages des troncs

s’animant avec la lumière

bruitage des perruches

 

Saint Valentin

deux lézards verts se tiennent

par la queue

 

Assise sur la racine

fraîcheur d’ombre qui palpite

venue de si haut

 

Murmure de brise

murmure de l’eau

entre ciel et terre feuille qui danse

 

Et puis, bien sûr, les rencontres. Toujours possibles. Toujours intéressantes.

 

Aux quatre coins du parc

la même dame en boubou rouge

nous salue

 

Instant privilégié. D’ordinaire, dans la rue, les Mahoraises passent, indifférentes. Magie du haïku.

Arpentant l’allée qui mène au Muséum, l’homme aux béquilles : une fois, deux fois, trois fois… exercice de rééducation. Du coin de l’œil je note ses passages.

C’est ainsi que je croise le chemin de Gaby. La conversation s’engage devant une des photos géantes jalonnant l’allée.

Il est venu me parler. Je ne sais pas pourquoi.

Aura-t-il été intrigué par mon carnet noir de haijin ? Est-ce par fraternité d’âge ? Ou tout simplement comme on échange quelques mots en se croisant sur un sentier de randonnée, complicité d’initiés ?

Il me raconte sa sœur qui a l’habitude de sortir dans la rue, de nouer conversation avec un passant, riche de ce qu’elle peut découvrir, échanger… Gaby, lui, ancien professeur, profite de sa belle vie de retraité : il vient souvent au Jardin, là où tout est calme et émerveillement.

« Vous voyez, cette rangée de lotus ? Il suffit de regarder sous un autre angle et tout change. »

C’est extra…

Je lui confie une esquisse de haïku, une note sur cette abeille aussi grosse que les fleurs naines du nénuphar.

 

Feuilles de nénuphar

une abeille atterrit

plus grosse que les fleurs

 

J’ai omis de préciser que les fleurs sont petites.

« Oui, fait Gaby, c’est que l’abeille n’a pas de limite alors que le nénuphar reste toujours à la même place. »

Et voilà mon observation réelle s’envolant vers le symbolisme !

Du coup, l’envie d’en faire un tanka :

 

Feuilles de nénuphar

plus grosse que la fleur

l’abeille atterrit

ses ailes l’emmèneront

au-delà de nos racines

 

Le mot « racines » m’a été soufflé par les stagiaires lors de notre exercice collectif d’écriture.

 

Ah ! Ils ont bien du talent les haijins en herbe ! En témoigne ce florilège des haïkus rapportés du Jardin ce vendredi 14 février 2020 :

 

Terre desséchée

roulé boulé de feuilles mortes

arrêt brutal

 

Assise sur un banc

les longs battements d’ailes

volent les balançoires

 

Petit escargot

sur une feuille du bassin

moi sur cette île

 

L’allée s’élance

au fond d’elle abandonnée

tu te retournes

 

Dans l’allée pavée

un groupe d’enfants

les ombres s’écartent

 

Café meringué

blanc manger mangue citron

l’oiseau du jardin

 

Demi-lune blanche

sérénité de mon âme

la feuille se déplace

 

Elles portent un temple

de leurs mains nues et fermées

femmes de bronze

 

le chant des perruches

s’élève dans l’azur

cage refermée

 

 

 

 

Jornées Haïkus 2020
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