L'île à éclipses
L’ÎLE À ÉCLIPSES
À Dora Libellule,
Le vent assèche votre sève
Ô feuilles mortes devenues
Le vent a chassé de mon rêve
Tant de pensées incongrues
J’ouvre les yeux sur ce matin qui va naître. Le premier matin de mai, le plus beau matin de mon existence. Depuis longtemps je m’efforce de vivre chaque matin comme le premier, le plus beau.
Le fénoir devient féklèr. En mille fourmillements. Le temps attend le top départ, celui que je lui octroierai en quittant la tiédeur du lit. Mélange exquis de la chaleur des draps qui m’enveloppent et de la fraîcheur que laisse la nuit qui se délite au-dehors.
Un rêve s’efface, le réveil en a balayé jusqu’au souvenir.
Uit ! Uit ! Uit ! fait le cardinal que je ne reconnais plus dans sa saison grise.
Deux minutes de Bach au violoncelle et cette petite merveille qui m’accueille à la lumière. C’est de Dora Libellule :
Quand surgira-t-elle
De l’océan tumultueux
L’île nouvelle ?
Qui se cachera de l’homme
Et se peuplera d’oiseaux
Ton île s’appelle Espérance, Dora ! Le plus joli nom que l’on puisse donner à une île.
Je le connais cet îlot qui apparaît, disparaît et réapparaît au gré des cycles mystérieux d’un volcan au large de la Sicile. Les Italiens l’appellent Ferdinandea, les Français, Julia, les Britanniques, autrement encore… suivant leurs prétentions à la posséder.
L’île est apparue en 1831 pour quelques mois et puis s’est enfoncée dans la mer… pour remonter plus tard, affleurant la surface et s’engloutir à nouveau.
Dans Les mirifiques aventures de Maître Antifer, Jules Verne s’en est inspirée pour une haletante course au trésor… qui n’aboutira pas.
« Par malheur lorsque l’île Julia réapparaîtra avec ses millions… nos millions !... nous ne serons plus là, pas même toi Gabarier, quand tu devrais mourir plusieurs fois centenaire. »
(Petit journal des îles 46, 1er mai 2020)