Kigo or not kigo

Publié le par Monique MERABET

Kigo or not kigo

KIGO OR NOT KIGO

 

 

Tout en blanc

sous le vieux manguier

le franciséa

 

Feu d’artifice d’un buisson. En attendant la floraison de l’arbre fruitier : bouquets crème ou rougeâtres ; un peu partout en ville, juillet marque sa saison.

L’oiseau fidèle à son poste, tout en haut ; il a vu le soleil ; c’est lui qui verra les premières fleurs au manguier de la cour.

Voilà un bon kigo pour ce mois des alizés, saison fraîche et sèche ! Mais quel haijin bon teint le tiendrait pour mot de saison d’hiver ? Qui les adouberait comme « vrais » haïkus, mes tercets aux spécificités réunionnaises ?

Un « bon » haïku peut-il être exotique, sorti de sa sphère labellisée nippone ?

On me dira : « Mais tu peux écrire des haïkus sans kigo, muti, cela s’appelle ». Je sens comme un brin de condescendance dans ce conseil. Ma pauvre fille, tu ne pourras jamais atteindre à la plénitude d’un haïku de printemps, d’été, d’automne ou d’hiver… dans l’ordre, hein !

Les revues de haïkus francophones proposent toujours comme thèmes « La ville au printemps » ou « L’automne » (précisant perfidement « sans utiliser le mot « automne »… Oups !)

J’ai même trouvé l’annonce d’un concours : thème « haïku avec kigo ». Vous auriez dû m’en fournir le catalogue « mot de saison prêt à choisir ». Ce genre de contraintes sonne pour moi l’exclusion de mes poèmes bâtardisés.

Bon ! Y a pas péril en la demeure. Ya qu’à me rabattre sur des thèmes universels… et prendre la peine de fournir un glossaire pour mes bulbuls, galaberts, lastrons et autres longoz… Mais l’universel peut cacher lui aussi des chausse-trapes. N’ai-je pas lu : « le thème de cette année est le renard, un animal universellement répandu ».

Alors qu’on pourrait respecter justement l’universel de la francophonie, concept touchant tous les continents et les deux hémisphères. Par exemple, demander d’écrire sur « La ville en avril », « Octobre », « un animal de notre environnement », etc.

 

Les manguiers en fleurs

j’ai sorti mon paletot

au matin si bleu

 

Je ne suis pas non plus d’accord pour châtrer mes haïkus de ces mots de saison qui font leur richesse. Je persiste à vouloir faire entrer dans mes haïkus réunionnais les saisons d’ici, les rythmes circadiens (solstices et équinoxes) du monde austral. Je veux dire ce qui m’entoure, mes plantes aux noms chantants, mes oiseaux endémiques, la chaleur de janvier et la fraîcheur de juillet.

Et je voudrais que mes tercets soient perçus « avec kigo » dans la tradition de leur écriture.

 

Au passage

l’oiseau fait frémir

quelques feuilles

 

Le nom de l’oiseau, je ne le sais pas, je n’ai pas eu le temps de l’observer. À choisir entre moineau, bulbul, tourterelle, martin. L’arbre lui, est un avocatier.

(4 juillet 2020)

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