Le silence de la page
LE SILENCE DE LA PAGE
L’arbre abattu
le silence a changé
côté ruelle
Les chants des oiseaux se font plus lointains. Signes de printemps, pourtant, de l’autre côté du monde : la jonquille première, la violette en misouk, les colverts de la Mare de Plouy au seuil de leur île-cabane.
Au travers des feuilles
en kit dans l’avocatier
le chat se faufile
L’incertitude des nuages s’ajoute à la nôtre, l’apaise, comme le chant de l’oiseau rend le silence de la page moins pesant. Nous avons dilué notre angoisse — Covid encore — dans un lac de sérénité. Au sein de l’eau tranquille, il fait long feu, notre remous d’inquiétude.
Parfois aussi, au crépuscule, le feuillage sombre de l’arbre à pain se transforme en vitrail, retenant les photons émis par la lune ou par un réverbère.
Il y a tant de façons de contourner les obstacles. Passer par-dessus — qu’il est facile de jouer à passe-nues, passe-brume ou de s’y engouffrer —, se laisser ballotter au vent, à l’eau qui bouillonne autour d’un rocher, même s’il s’agit d’un bèlbèl kap…
Ou alors, changer de guide, changer d’étoile, choisir un horizon plus vaste, une bulle intimiste de souvenirs qui s’irisent. Prendre la tangente d’une lune trop parfaitement ronde, aller vers l’extérieur, vers l’ailleurs.
Jardin public
bancs en enfilade sous la neige
sans un pas autour
découvrir matin que vivent
autres saisons autres lieux
Écrire un tanka qui ne me concerne que par la symbolique de l’image.
Voyager. Ouvrir un livre. J’en ai toute une pile de ceux qui attendent l’heure de la rencontre… ou de la fuite lorsque notre imaginaire-soleil se rend compte qu’il a pris rendez-vous avec la lune.
(30 janvier 2021)