La géométrie du dimanche
LA GÉOMÉTRIE DU DIMANCHE
Feuille qui tombe
échappera-t-elle au sol
si le vent se lève ?
Vaincre la pesanteur, la chute des corps traçant une invisible parabole… notre certitude que les lois physiques, mathématiques nous rattraperont toujours.
Ciel des villes strié de câbles : une géométrie singulière de lignes parallèles, de virtuelles intersections, coplanaires, non coplanaires… illusions d’optique. Laisser un « blanc » lors de la représentation plane, casse-tête du devant-derrière à marquer sinon zéro pointé. Mettre en pointillés les arêtes cachées (solides de l’espace, avez-vous donc vos secrets pour tabloïds du weekend ?). Se soumettre à la perspective qui ne respecte pas les formes, qui ne nous permet pas de voir le rectangle à angle droit… L’interdit de l’équerre qui rend tout plat.
Géométrie de l’espace si malaisée à « visualiser » par les potaches avant qu’un logiciel permette de mettre en évidence la réalité d’une section.
Cela donnait à cette partie de la géométrie un petit côté arcanes qui n’était pas pour me déplaire. La vérité n’apparaissait que grâce au raisonnement.
Heureux théorèmes et axiomes qui m’ont forgé une raison, qui m’ont appris à ne pas me fier aux apparences !
Connexion nouvelle
emprisonnant le ciel
d’un filet de lignes
ne pas craindre que s’estompe
le bleu infini du ciel
(20 juin 2021)
LE TÉTRAÈDRE AMOUREUX
Un tétraèdre élémentaire
pas même régulier
vivait heureux à sa manière
et de quelques faces triangulaires
savait se contenter.
Un jour qu’il allait à la ville,
clopin-clopant sur ses sommets
Ne riez pas ! Cela n’est point facile ! —
il tomba amoureux, foudroyé,
d’une superbe émeraude taillée
qui resplendissait de ses mille facettes.
Il offrit en gage à la belle coquette,
dans l’espoir d’un sourire, un bouquet d’arcs-en-ciel
en jouant au prisme avec le soleil.
L’altière gemme n’en montra que mépris :
« Que voudriez-vous donc que l’on fît
des grotesques tours de passe-passe
de vos quatre ridicules faces ? »
Au lieu d’abandonner sagement l’orgueilleuse
à son affèterie prétentieuse,
le tétraèdre, ensorcelé,
résolut de se faire modeler
par quelque habile lapidaire.
L’émeraude resta de pierre
et, se moquant de ses efforts,
railla en lui comptant les dièdres :
« Octaèdre ? Dodécaèdre ? Icosaèdre ?
Fi ! Vous pouvez bien vous sectionner encore ! »
Le soupirant éconduit s’obstina.
Pour vivre jusqu’au bout son rêve,
plein d’acharnement, s’en retourna
au polissoir, se faire poncer sans trêve.
Tant et si bien qu’il devint sphère.
Lors, il roula dans la poussière
et, jusqu’à la mer emporté,
s’y engloutit à tout jamais.
(poème extrait de Mathifolades, éditions L’iroli, 2008)