Fichez-leur la paix aux fleurs!
/image%2F0790139%2F20211101%2Fob_921d44_le-bal-des-crocus.jpg)
LES FLEURS… FICHEZ-LEUR LA PAIX !
Après la pluie d’hier
la jardinière encore vide
je songe aux crocus
un vieux poème, relu,
les fait danser sous la lune
Suivre le mouvement lent d’un nuage, à s’en étourdir. Tournis léger, rien du langoureux vertige qui prend aux fleurs du soir, selon le poète. Vraiment ?
Baudelaire a-t-il jamais vu cette valse mélancolique… sinon en songe ?
Les fleurs de mon jardin, du soir et du matin, sont de pétales et d’étamines et de pistils et si elles rêvent d’être papillons et de quitter leurs tiges, je n’en sais rien.
Elles s’abreuvent de la pluie du soir, bain lustral pour renaître fraîches au matin.
Il faut être poète pour oser imaginer un sabbat de belles de nuit ou un bal des crocus. Péché d’anthropomorphisme lyrique, souvent commis, dont on ne se repent jamais, vraiment. On le devrait peut-être : les crocus, les belles de nuit, chaque fleur vibrant sur sa tige… ne sont pas ressentis comme tels, ils ne sont que prétextes, toile de fond sur laquelle le poète brode ses propres sentiments.
Ces péchés, je le confesse, je les ai commis souvent. Pour preuve, ce Bal des crocus publié dans « Danse avec la nuit »
Les crocus sont allés guincher
Sous l’œil narquois de Dame Lune ;
Nul ne sait d’où venait l’archet
Qui serina la valse brune.
Le diable avait-il invité
Sa fille de braise aux yeux d’ambre ?
Les avait-elle ensorcelés
Cette douce nuit de novembre ?
Au petit matin sont rentrés,
Velours fripé, pistil en berne ;
On les aurait crus naufragés
Des ténébreux marais de Lerne.
L’aurore au cœur tendre a versé
Sa rosée comme viatique ;
Le vent du matin a bercé
Les corolles de sa musique.
Les fleurs, tout bas, ont murmuré
En soupirant de lassitude :
« L’important, c’est rire, chanter,
Danser sa vie en plénitude. »
Un nuage blanc s’est posé
Au-dessus d’elles, voile de grâce.
Les crocus, sereins ont fermé
Leurs pétales… un ange passe.
Ah ! Poètes ! Fichez-leur donc la paix aux fleurs !
(texte du 10 octobre 2021 ; images du 16 octobre 2021 ; poème de 2001)