L'après-midi dans les feuillages

Publié le par Monique MERABET

L'après-midi dans les feuillages

L’APRÈS-MIDI DANS LES FEUILLAGES

 

 

Rameaux agités

les imaginer nus

et toujours beaux

 

Farine de pluie matinale. Le gris d’un sillage n’a pas résisté longtemps à l’invasion des bleus du ciel de mai.

Le ciel ne nous laisse jamais nous morfondre. Il a toujours quelque divertissement à offrir.

Fin d’après-midi. Je m’apprêtais à la vivre maussade, nostalgie du jour qui finit, de journée ratée avec le sentiment de n’avoir rien fait (de remarquable ?),  que rien n’avance.

Le temps a mis ses habits de morosité : vent et bruine. Moment d’à quoi bon, à mesurer l’incompréhension de ceux qui vivent de l’autre côté de nos soucis. Ceux à qui l’on sourit, à qui on répond : « Ça va… Ça va ! »

Le vent agite un bouquet de feuilles du manguier. Je l’observe derrière mon rideau. Je songe à un envol de sauterelles qui auraient toutes un élastique à la patte  — quelle patte ? demande Main Gauche, censeur littéraire… et je ne sais même plus combien de pattes a la bestiole ? — marionnettes animées d’un mouvement d’ensemble, l’amplitude dépendant de la force des bourrasques.

Envie de chercher la dissidente, celle qui irait à contresens, à contretemps.

Me résigner à ce que cela n’arrive pas. Et j’avise les graminées des potées — je les ai laissées pour les oiseaux… « Les oiseaux ont bon dos » — qui s’inclinent à hue et à dia, je ne sais pourquoi.

 

Sous le vent

cette herbe qui vibre

et l’autre pas

 

Dans l’arbre à pain, kayanm des gouttes qui ricochent sur les larges limbes : grondement d’océan qui se déchaîne, parfois, ou douceur d’un ressac.

Maintenant les striures grisées de la pluie ont envahi tout l’espace.

 

Un oiseau

lance un cri furtif

qui s’inquiète ?

 

Flaques de ciel bleu. Et j’imagine rameaux madrépores, corail bouturant et feuilles poissons. Vivier pour oiseaux-lunettes. Viendront-ils ce soir, à l’heure du muezzin ?

Moi qui me plaignais de la monotonie de cet après-midi. Quand même ça le temps l’a passé*

Tourner les pages.

 

Soir qui tombe

je suis un nuage blanc

vers sa coloration

 

Dans les ors ? Dans les roses ? Dans les gris ? Quel temps pour demain ?

Le temps de prendre mon stylo à encre violette — j’ai connu aussi les mauves du couchant au ciel provençal — voilà qu’une baleine grise vient occulter tout son éclat.

 

Crépuscule en cours

à la ligne des montagnes

liseré de lumière

 

(6 mai 2022)

 

*extrait de « Tite fleur fanée » (Georges Fourcade)

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