En quelques krouèk

Publié le par Monique MERABET

En quelques krouèk

EN QUELQUES KROUÈK

 

 

Ciel voilé

d’un martin qui passe

le krouèk bref              —

 

Traces de la petite averse de minuit ou préfiguration d’un autre amas nuageux, voire pluvieux, au cours de la journée ? Ce qu’en dit le martin…

Ah ! Faut pas compter sur les martins pour la causette ou pour l’inspiration.

Zoizo vilin kozman ? C’est ce que l’on prétend à cause de son cri déplaisant, presque un croassement, ou à cause de sa capacité à imiter les phonèmes humains lorsqu’on lui a « coupé le filet ». Le martin pays est de la famille des mainates.

 

Ou sé in kouyon

dit l’humain – l’oiseau renvoie

ou sé in kouyon

 

C’est d’ailleurs un martin que j’ai choisi comme objet d’expérimentation pour trois fées Gribouille — Rosette, Jonette, Bleuette — qui ne voulaient pas aller à l’école des fées.

Les voilà à vavanguer à travers champs et vergers, s’arrêtant à l’ombre d’un manguier pour tenir conciliabule.

 

Mangue mûre à point

sur la plus haute branche

Martin sans un bruit

 

Il se régale : chair sucrée et quelques larves… qui ne gâtent rien à la dégustation, au contraire…

Notre oiseau partageux voulait avertir toute sa tribu :

— Krouèk-Krouèk-Krouèk… Ce qui signifie : « Par ici les amis ! piémang la sé in jarlor »

(traduction moitié en français, moitié en créole… Après tout, qui peut dire quelle.s langue.s parlent les oiseaux réunionnais ?)

Au pied de l’arbre, les petites fées se chamaillaient, ne sachant par quoi commencer leurs enchantements.

— Que cet oiseau chante mal, soupira Rosette

— J’ai une idée, dit Jonette. On pourrait…

— Rendre son chant plus mélodieux, compléta Bleuette.

Aussitôt dit… Nos trois apprenties pointèrent leurs baguettes vers le martin et improvisèrent un « sort » :

— Abracadabra ! Plouf ! Plouf ! Laringuette ! Que ton chant soit doux comme zouizoui de filao dans la brise !

Entretemps, les autres volatiles avaient rejoint Martin sur son arbre perché.

— Krouèk-Krouèk-Krouèk… Bonjour mon frère, koman i lé ?

Mais quand notre martin voulut répondre, le son qui sortit de son gosier était si suave — tirelirelou — qu’il fit sursauter toute la bande.

— Krouèk-Krouèk-Krouèk (Qu’est-ce que tu dis ? Akoz out shanté lé an kaskassé konmsa ?)

Le martin « arrangé » persista à s’expliquer mais ses notes étaient de plus en plus étranges et les autres oiseaux crurent qu’il se moquait. Il fut chassé de son arbre.

NB : Pour ceux qui n’aiment pas les histoires tristes : je peux vous révéler que la sévère-mais-juste fée Trouspète, directrice de l’Ecole des Fées, se mit à la recherche des gribouilles et mit fin à leurs « enchantements » embarrassants.

 

Krouèk-Krouèk-Krouèk. Tout est bien qui finit bien. Défoi in zafèr mal anbéké i fini an lo sukré.

 

(11 janvier 2023)

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M
L'oiseau parle bien ! j'aime ce langage.
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M
Bonjour Marcel. Ravie que vous compreniez les oiseaux. Au fond, je n'aurais pas dû donner une traduction... aléatoire.