Et larme vint à l'herbe

Publié le par Monique MERABET

Et larme vint à l'herbe

ET LARME VINT À L’HERBE…

 

 

Temps à la pluie

belles de nuit à nouveau

bloquant mon passage

chaque été même désir

de les transplanter ailleurs

 

Pour cette transplantation, il me faudrait les outils et la force pour déterrer, replanter, fouiller assez profond dans la terre caillouteuse pour bien enterrer les racines à pivot. Souhait écrit est à moitié réalisé ?

Fouiller… le mot me semble soudain créolisme et puis, non !

J’aime les choses simples que disent les mots simples. Faire tenir le monde chancelant d’aujourd’hui sur ses assises d’antan… Souci de vieille qui perd la boule ? Ou bien, utilité pour mieux supporter ces basculements de langue qui m’effraient tant. J’écoute la radio et je comprends de moins en moins les termes  anglicisés  — Dans le temps, on disait : « Attention à l’anglicisation du français ! » — devenus courants voire envahissants, phonèmes avalés, débités par les présentateurs, invités, journalistes, nourris au numérique, sur un rythme qui houspille ma lenteur à les décoder. Et d’ailleurs il me sera impossible d’y reconnaître le vocabulaire anglais appris au lycée, l’anglais du numérique, des écrans, des phénomènes sociétaux baptisés en Amérique, n’avait pas cours alors.

Ah ! J’ai la chance de pouvoir « fouiller » dans un lopin de jardin et d’enfouir graines qui deviendront arbres ; leurs troncs, leurs feuilles, ont gardé l’authenticité de leur langage d’origine. Devenir arbre !

 

La pluie tombée

laisse à l’herbe du matin

larme qui scintille

s’effarouchant de ce monde

mon âme revient à l’arbre

 

Prendre conscience d’un inabordable métavers (comme ils disent), me rend plus proches les îles aux mots des poètes.

Ainsi ces vers de Gamaleya :

 

ET LARME VINT À L’HERBE

ET L’ÂME VINT À L’ARBRE

(B. Gamaleya dans Terrain Letchi)

 

Bienheureux mots des poètes de mon âge ! Ils me sont plus clairs, plus présents que ce charabia moderne qui nous mène toujours plus vers la dépendance de l’Intelligence Artificielle — apte à tout faire, à nous guérir, à écrire nos poèmes… — et qui étouffe la pensée, la voix de la raison.

 

(21 janvier 2023)

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