Jeudi de pleine pluie
JEUDI DE PLEINE PLUIE
Les mots ont pouvoir
juste un instant oublier
les bruits de chantiers
retrouver la paix des sens
que nous offrait le fénoir
Pleine pluie sur la nuit. Le jour en porte étendard. La fête des racines ! Il n’y a qu’à voir le strelitzia dressant ses tiges pour comprendre la jubilation d’en dessous.
Dégouttant des feuilles, une armée de gouttes défile et disparaît dans le sol. On les entendrait presque tintinnabuler. Branle-bas chez les fourmis ?
La pli tonbé, mayi pousé, mérsi Bondiè… un air qui vient de Haïti. Et moi à l’unisson avec toute terre qui a soif, toute terre que délivre l’eau venue du ciel.
Demain — aujourd’hui, déjà —, tout ce qui a pouvoir de germination projettera hors du sol ameubli un fourmillement de tiges et feuilles. Et des capucines, j’espère.
J’aperçois encore un peu de la portée de câbles électriques et la partition des oiseaux dépassant de l’énorme construction barre-horizon, arrêtée depuis un certain temps.
Mais la ville est en état de chantier permanent. Au-delà de la villa béante aux gris foncés par la pluie, je perçois marteaux-piqueurs, ébarbeuses, perceuses, etc.
Passée la miséricordieuse pause de l’aube gazouillante et frémissante, le monde urbi et orbi se rappelle à nous. Sans concession. J’aimerais dire, en détournant le poète Boris Gamaleya * : « la nuit fait le plein d’un jour sans retouche »… mais là, il est vite oublié le silence qui l’accompagnait, la paix des sens au repos.
Aubades d’oiseaux
sur les toits et sur les fils
alignés vers l’est
croient-ils l’atavique adage
du beau temps après la pluie ?