SEPT
SEPT
(Nouvelles vénusiennes de Mariem Raïss, éditions Bonbon)
Ce matin, j’ai écrit un chapitre d’une nouvelle, l’histoire de « La fille aux cheveux bleus » qui avait peur de devenir femme. Cette envie de reprendre l’écriture d’un texte qui traîne depuis longtemps dans mes tiroirs, m’a été insufflée par la rencontre avec Mariem Raïss, autrice lumineuse et inspirante.
Ouvrir SEPT (nouvelles vénusiennes) donc.
Livre de poche que la main s’approprie, guidée par la belle illustration de femme aux fleurs en couverture. On feuillette, on s’attarde déjà sur un mot, une phrase, une pensée en italique, et sur la présence de pages blanches entrecoupant les nouvelles rassemblées là, surfaces non pas vides mais vacantes… Aubaine pour l’écrivaine en latence que je suis, qui a toujours la main qui la démange d’insinuer ses mots dans le moindre espace libre. Merci Mariem pour cette invitation au partage.
La mise en littérature de l’autrice est agréable, aérée, l’écriture sobre et belle… Tout invite au plaisir de la lecture. Et au plaisir de la découverte d’une construction décoiffante , pétillante, ouverte.
Lors de la présentation du recueil, une des participantes nous a proposé la lecture de quelques extraits et je l’ai regardée, tourner les pages à rebours, en commençant par la fin. Pourquoi pas ? L’autrice, elle-même nous y invite avec sa numérotation en ordre inverse des séquences ou par un prologue arrivant en fin de chapitre…
Mais ce n’est pas que dans sa forme que l’ouvrage est captivant !
Voici ce qu’en révèle la quatrième de couverture (réussie, elle aussi) :
« Sept récits, plus un, sur les mouvements et la trajectoire de l’âme de Violette, à travers ses sensations et émotions au creux des relations amoureuses »
Mariem Raïss nous offre là, en effet, une balade extra-sensorielle, à la fois dedans et dehors de l’intime, ce qui revient à l’autrice se mêlant sans peine à ce que ressentent le personnage ou la lectrice.
Textes « charnels et spirituels ». Oh, combien ! Ils ne peuvent que m’inspirer pour venir à bout de ma réticence à écrire « érotique ».
Disons-le tout net, la plupart du temps, les scènes sexuelles des auteurs contemporains (quelle que soit par ailleurs la qualité de leur écriture) m’agacent, car trop explicites et cette espèce de parcours « initiatique » dans la sexualité des autres, transforme le lecteur en voyeur.
Avec Mariem Raïss, rien de semblable. Elle use de mots francs et précis, sans encombrer son récit de détails superfétatoires.
« 2007 et un orgasme plus tard
Vous vous appelez comment ?
Violette.
C’est un prénom libre comme vous. »
Ce qui n’empêche pas des tournures originales pour dire.
La première phrase du premier récit m’a scotchée : « Elle n’a jamais fait l’amour en arabe. »
Ou encore : « Toi tu es osée, tu sais ».
Comment ne pas dévorer tout le reste après ça ?
Pour le bonheur de se reconnaître, de ne pas se reconnaître, ne pas vouloir se reconnaître Violette dans ces « carrefours intimes où la chair et l’esprit se rencontrent et se fécondent en secret. »
D’ailleurs, Mariem Raïss émaille ses sept récits (plus un) d’une pensée, d’un proverbe touchant à l’écriture, au soi. Je retiens surtout :
« Ce que tu écris est ce qui te ressemble le mieux »
Et ce surprenant : « Quand je te fais l’amour, je peux lire tous les livres que tu écris ».
Dans cette chronique toute subjective, je ne saurais oublier de mentionner ce qui m’a incontestablement poussée à reprendre l’écriture de « La fille aux cheveux bleus » : la couleur bleue, évidemment et les chevelures présentes dans « SEPT ». L’ouvrage commence d’ailleurs par la mise en exergue du poème de Baudelaire :
« Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond… »
Puis, à la fin, apparaît ce mystérieux homme bleu, le Plus un, cette espèce d’ange — du moins est-ce ainsi que je l’ai perçu — qui vient remettre en harmonie tous ces fragments des vies en vavangaj*, composant nos existences de femmes.
J’ai aimé, bien sûr, le petit clin d’œil haïkiste de « l’être Ici et Maintenant » auquel Violette se trouve menée.
Je crois en cet « homme bleu » que j’ai certainement rencontré ; il me permet de réunir dans l’amen mes incessants questionnements sur la (ma) féminité.
Rencontré ou… rêvé ?… créé ? Qu’importe !
*vavangaj : mot créole pour dire un état de vagabondage parfois intellectuel, de rêverie .
(Monique Merabet, 14 juin 2024)