Carnet de voyages pas tout à fait imaginaires III

Publié le par Monique MERABET

Carnet de voyages pas tout à fait imaginaires III

CARNETS DE VOYAGES PAS TOUT À FAIT IMAGINAIRES III

 

 

Mercredi 16 octobre 2024,

 

La Mare-à-poules d’eau

guettant miettes du pique-nique

un chat tout crasseux

 

Il se faufile entre les arbres, se blottit derrière les pierres au foyer éteint d’un récent barbecue.

Il est descendant de chat abandonné sans doute, revenu à la vie sauvage. Un haret.

Il s’est adapté aux bruyantes assemblées du dimanche : parties zanbrokal et kari poulé… Il lui restera bien quelques os.

Il a changé de morphologie, plus haut sur pattes que nos minets domestiques… peut-être pour ne pas s’enfoncer aux rivages boueux, pour aller plus avant parmi les sonj et attraper un providentiel poisson, voire un poussin imprudent.

 

 

Jeudi 17 octobre 2024,

 

Mon stylo écrit

journal pour iris « marcheurs »

le mien en suspens

 

Oh ! Je ne suis pas jalouse. C’est leur saison aux iris d’un jour. Chaque matin, je m’émerveille du foisonnement bleu et blanc sous ma fenêtre.

Ils méritent qu’on glorifie leur cantilène de printemps ; leur fleurissement ne durera que jusqu’au solstice de Noël.

Ils s’élèvent comme notes de lumière et de joie, symphonie pour la paix.

Leur beauté et leur grâce contribue à la fabrique des bonheurs du jour.

Et puis, qu’ai-je de plus intéressant à dire ? De plus intelligent ? De plus enthousiasmant ?

On ne construit rien sur fond de pensées négatives.

 

 

 

Vendredi 18 octobre 2024,

 

Fourmi sur la page

et je me laisse conduire

vers le silence

 

Bêtes et plantes… et galets, tout m’inspire poèmes.

Muses improvisées, muses aléatoires qui viennent au secours d’un réveil un peu lent.

Par la fenêtre, je distingue à peine les pâles corolles, aujourd’hui du franciséa. Les ai-je vues violettes (avant-hier) ou parme (hier) ?

Sur la clôture du fond, se reflète un rideau rose en embrasse. Et mon ombre s’inscrit en filigrane de la photo, prise de plus près.

Y a-t-il d’autres ombres errantes au jardin ? Aux troncs, aux feuillages, se révèlent silhouettes ou visages, traces intangibles de leur passage.

Je collectionne les douceurs intrinsèques de leurs présences secrètes, pour les semer aux quatre vents d’écriture.

Alé fane-fané partou… N’est-ce pas là, mission d’écrivain ?

 

 

 

Samedi 19 octobre 2024,

 

Vue de la varangue

la ligne de crête ondule

au midi d’octobre

 

« Une ondulation majestueuse et lente / S’éveille et va mourir à l’horizon poudreux… »

 

Ainsi Leconte de Lisle évoque-t-il les « midis rois des étés » de l’hémisphère nord. Sur l’île, point d’exotiques blés mûrissant mais en octobre, le soleil se fait plus ardent. Notre printemps austral suit un cours coutumier…

Les tempêtes et inondations des saisons hexagonales font frémir…

Ah ! On nous l’avait bien dit…

Au sein des mers trop chaudes, les coraux blanchissent. Notre île est menacée, à plus ou moins brève échéance. Nous sommes en pleine déconfiture climatique !

Comme il m’est précieux, cet arbuste à fleurs jaunes, poussé dans une rainure du dallage ! Il resplendit au soleil du matin.

 

 

 

Dimanche 20 octobre 2024,

 

Hors temps et hors lieu

ces pistes inexplorées

que mon rêve m’offre

 

À force de tanguer de souvenir en souvenir, ma mémoire a l’impression de planer, accrochée à un téléférique bringuebalant, au-dessus de nulle part, présent et passé confondus.

Et lorsqu’un rêve y incruste ses fantasmagories, les pistes sont brouillées.

J’étais en voyage avec un groupe. Venaient-ils à la découverte de La Réunion ou est-ce moi qui avais « sauté la mer » ?

Réveil en un matin pluvieux, au tempo des gouttes en continu sur l’herbe jaunie — sécheresse ou automne ?

Où étions-nous ? Ici ou là-bas ? Les arbres composaient un paysage hybride, un peu du nord, un peu du sud.

Et si le monde futur se fondait à perpétuité en ce ruissellement ? Je me sentais prête à m’y adapter, à trouver merveilleux, ciels brouillés et chemins détrempés.

 

 

 

Lundi 21 octobre 2024,

 

Pétition signée

les derniers rhinocéros

seront-ils sauvés ?

 

Hier, un tableau intitulé « Peace and love », m’a offert échappée vers le cosmos, dévoyant la peinture d’un autre à mes propres ressentis.

J’y ai vu allégorie de notre Terre malmenée : une grosse patate cabossée aux teintes pâlies, d’où s’effacent îles et continents.

Le sigle « Peace and love » barrant le globe m’est apparu comme silhouette d’humain enserrant sa planète jusqu’à l’étouffer. Ou alors comme un sparadrap hâtivement posé et inutile…

Il est trop tard, semble dire la colombe de la paix qui cherche à s’envoler hors du tableau, un lapin sur son dos…

Le dernier lapin du monde ? L’oiseau pourra le ramener à la lune où un dieu l’avait jadis déposé.

Mais le pesant rhinocéros, qui pourra l’emporter ?

 

 

 

Mardi 22 octobre 2024,

 

Grain de sable au voyage

la vieille dame égarée

en camp militaire

 

83 ans. Elle n’avait pas hésité à se joindre  à un groupe de touristes découvrant l’Égypte.

Toujours levée la première, elle n’avait rien raté des excursions en bus ou en train, vers la vallée des Rois ou Assouan sous un soleil de plomb, ni des souterrains à chauve-souris (et à serpents ?)

Elle remettait vertement à sa place quiconque avait l’insolence de l’appeler Mamie ou le guide qui avait tenté de la porter pour lui éviter les boyaux étroits menant à l’intérieur de la grande pyramide.

Sur la route du désert, lors d’une halte obligatoire pour obtenir un laissez-passer, elle s’était éloignée du groupe.

On l’avait retrouvée, se querellant avec un soldat dans l’enceinte interdite d’un camp militaire.

Longues discussions et certainement backchich conséquent ont été nécessaires pour qu’on relâche « l’espionne »  

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article