Abeilles (18)
L’HOMME QUI COURAIT APRÈS LES FLEURS
(Brigitte LASCOMBE)
Rituel du mercredi : poivrons à l’anchoïade, rougets sur lit de fenouil, tarte à la figue.
Mamina, comme toute bonne provençale qui se respecte le clame haut et fort. Suite à notre intermède pantagruélique, affalées chacune dans nos Voltaire respectifs, mais les papilles toujours en éveil, nous évoquons le miel qui caramélise à point les sauces raffinées et coule, suave, sur les palais comme un souvenir d’enfance.
J’avance ce thème, proposé actuellement par mon amie réunionnaise, Monique : un pur délice.
Mamina exhibe alors fièrement sa dernière lecture en date : « L’homme qui courait après les fleurs » de Marcel Scipion, un presque conte provençal, une histoire d’amour entre un épicurien et ses butineuses. Un brin de romarin dans les Alpilles, un rameau d’acacia, une touffe de lavande, rien n’est trop beau pour ces maîtresses au ventre mordoré. Il choisit son coin, sa source, son versant pour installer leurs fiefs et récolter leur or, car ce berger d’abeilles, grand amateur de miel, gourmand, gourmet, sucre ses tisanes, poudre ses potions, agrémente ses onguents, relève son hydromel de leur suc incomparable. D’ailleurs, confie-t-il en clignant de l’œil, sur mon ventre mort je veux un pied de romarin, un deuxième de lavande et un rucher bien vivant pour leurs ailes zézayantes m’accompagnent dans l’au-delà !
Mamina sourit, elle pense à son Victor, celui qu’elle a séduit jadis à la Roquebrussanne où se tient aujourd’hui le plus grand bal des abeilles du coin. Ses paupières lourdes de rêves fous, bruissent doucement pour partir le rejoindre vers des contrées inconnues.
Stop secret ! Je me retire, envieuse, sur la pointe des pieds, son livre-miel serré contre mon cœur, en chuchotant au creux de son oreille :
- Á mercredi, Mamina, pour une douce balade comme toi seule sait me les raconter !