Bouffées entremêlées
Et pour vous donner un aperçu du dialogue poétique qui se poursuit au fil des pages entre Jean Frantz le Haïtien et Monique la Réunionnaise, voici un de ces bi-poèmes:
Accueilli
Recueilli est le souffle
Notre souffle de vie
Nous t’inspirons
Avec nos gestes d’amateurs et de rien
Nos gestes acrobatiques et nos gestes fous
Gestes de notre rien gestes de notre temps
Comme la brise qui berce
Nous te berçons
Berceuse
De patience et d’amour
Ne sachant pas captant
Sans cesse le mot pur
D’oxygène de l’air
Cueilli est l’air
Notre souffle de vie
Les désirs étouffent de chaleur
Dans notre liberté
Luit
L’option n’abandonne jamais
La clé ouvrant
Toutes les portes
Menant
A l’apogée de la réussite
La vraie liberté de la vie.
(Jean Frantz Philippe)
Que reste-t-il au poète pour cueillir le jour
si le temps disperse toutes les pages du livre
d’éphémères destinées
en tourbillons rapides, sans nous les laisser vivre,
si les miroirs se fêlent de rides fatiguées
ne reflétant plus même un fantôme de beauté,
si les oiseaux blessés s’endorment en silence
dans un univers vide, béant d’indifférence…
que reste-t-il alors pour bercer nos amours ?
Que reste-t-il encore pour nos bouquets du jour
si chaque matin, comme un souci se pose
sur une branche dépouillée,
si le temps n’a laissé que des épines aux roses,
si leurs pétales, au vent disséminés,
flottent au fil de l’eau, Ophélies oubliées,
si même les souvenirs ne sont que feuilles mortes,
si la mort sonne toujours trois fois à notre porte
décimant peu à peu nos fragiles amours…
Que restera-t-il pour nos moissons un jour
si, nés d’Hiroshima, de Nagasaki, errent
par d’inquiétants sentiers
dix mille soleils noirs obscurcissant la terre,
si les arbres se couchent pour des routes insensées
où les chemins du rêve n’aboutissent jamais
si les fléaux du ciel, ressassant leur colère
frappent, frappent sans cesse, martelant la misère
que restera-t-il donc pour nos futures amours ?
(Monique Merabet)