Chapeau (11)
LE CHAPEAU DE MÉMÉ
Chapeau sur la tête -
chaque petit arbre
dans son cercle d’ombre
Parc de la Trinité. Il aura bien fière allure dans quelques années lorsque les arbres auront grandi. Y viendra-t-elle encore la petite promeneuse d’aujourd’hui ? Toujours enthousiaste pour cette promenade du dimanche, elle a établi ses rituels : l’allée pavée à cloche-pied, la pause goûter sous les palmiers sur le même bout de muret et puis, ce qui l’attire par-dessus tout, la grimpette.
Deux fois la butte
- ses jambes de six ans
toujours en tête
Moi je préfère marcher même en parcourant la boucle qu’affectionnent les sportifs du dimanche , les mamies ruisselant de sueur sous leur casquette griffée. Ceux qui ne voient rien du paysage, attentifs aux foulées de leurs chaussures « d’athlète »… il faut souffrir pour être en bonne santé !
Les joggeurs
concentrés sur leur souffle
- un rond de champignons
Mais ce jour-là, peut-être se pressent-ils parce que le ciel s’est assombri, qu’une averse menace…
Au-dessus de la médiathèque
les nuages noirs -
en jurons de BD
C’est la fillette qui donne l’alerte. Elle a reçu quelques gouttes. Je feins de m’alarmer : nous n’avons pas de parapluie, j’ai juste un chapeau en toile dans mon sac. Et voilà la petite curieuse intéressée. Un chapeau ? Fais voir !
J’hésite un peu. Mon couvre-chef, j’ai eu soin de le ranger roulé en boule tout au fond. Coquetterie de vieille dame qui craint de s’exposer aux quolibets. Quelle qu’en soit la forme, la couleur, la matière, tout ne me va pas. Mais ce petit chapeau, je le garde religieusement : il fait partie de mon héritage.
Rue au soleil -
devant moi, l’ombre coiffée
du chapeau de ma mère
Hélas ! Je n’ai pas hérité de la boîte crânienne permettant de le porter sans sombrer dans le ridicule.
Première sortie
la clocharde s’esclaffe
- mon nouveau chapeau
Nous pressons le pas, donc. Sans trop nous hâter tout de même. Je prends le temps de photographier tout ce qui ne bouge pas.
La fleur en étoile
de dernière minute -
la plus belle
Magnifique, certes. Mais la plus belle image que je ramène de la promenade écourtée, c’est celle d’un sourire mutin.
Bouille ravie
de petite fille -
le chapeau de Mémé
(Monique MERABET)