Chapeau (8)
(dessin Huguette PAYET)
Le feutre et le béret.
(Camille PAYET)
Un chapeau de feutre, bon chic, bon genre,
Souple et confortable,
Qui ornait de belle façon
La tête d’un notable,
Rencontre, accroché comme lui
A la patère de la terrasse d’un café,
Un béret, qui d’un quidam,
Cachait la calvitie.
Attendant de leur maître, le retour imminent,
Ne voulant pas subir de l’attente, le carcan,
Ils engagent une conversation bon-enfant,
Agrémentée de quelques anecdotes
Amusantes, bien évidemment.
Le feutre, serviteur d’un homme riche, bien habillé,
A la prestance duquel il rajoute une note distinguée,
Bénéficie d’une servante à sa beauté dévouée,
Qui, chaque soir, de ses flatteuses prévenances,
Le préserve de la poussière, l’entretient un tantinet,
Ou le brique, suivant son état de propreté.
Son prix onéreux lui valant bien cette particulière attention.
Et surtout dès son retour aux pénates,
Il est rangé dans sa superbe boîte.
Il fut victime un jour, de l’inattention de son maître,
De sa coupable distraction,
Qui l’oublia comme de simples clés,
De vulgaires lunettes,
Pour un couple d’heures au moins,
Dans la salle d’attente
D’un assermenté d’Hippocrate.
Une autre fois, il resta suspendu
A un triste pauvre clou, deux jours durant,
Dans le hall d’entrée de la maison de la maîtresse
De son puissant et noble Maître.
Le béret, quant à lui, servait un homme quelconque,
Un Landais du terroir, un bon vivant,
Dont il était de la fierté, le signe particulier.
Pour lui pas de tendresse,
Pas de soins privilégiés,
Un coup de brosse deux fois par semaine,
Et le tour était joué.
Pour sortir : un coup sec de doigts à droite,
Un autre coup à gauche,
Des gestes précis pour l’ajuster, l’équilibrer,
Le mettre sur le côté.
Quand ils sortaient, une chiquenaude de son maître,
Quand ce dernier trouvait que tout était O.K.
C’était tout ce qu’il pouvait espérer.
Maître et valet étaient alors tous deux quittes pour la journée.
Le soir, quand il rentrait,
Il était dans un coin, négligemment jeté.
Un jour notre béret, à ses dires,
Servit, en haute montagne,
D’abreuvoir à un mouton assoiffé.
Faillit perdre aussi la vie sous les crocs d’un roquet
Qui l’avait pris pour une galette,
Qu’à l’Epiphanie on achète.
Une autre fois, son Maître désespéré,
Le cherchait partout,
En pestant contre sa femme, comme un fou.
Elle l’avait sans doute jeté dans quelque trou,
Alors qu’il l’avait tout simplement sur la tête !
Nos deux couvre-chefs se délectent
De ces croustillantes histoires.
Les rires fusent en silence,
Mettent même des larmes aux yeux.
Leur maître à la terrasse du café,
Tout à leur affaire,
Tardant, n’étant pas pressés de rentrer,
La conversation continue.
Nos deux serviteurs papotent sur leur généalogie.
Le feutre se vante, s’enorgueillit,
De parents éminents de classe nobiliaire,
D’illustres cousins aristocrates,
Qui coiffent les têtes des célébrités,
De nobles technocrates,
Des grands de ce monde, de l’élite
Qui passent à la télé,
Dont ils subliment la personnalité.
Le haut de forme en est un excellent exemple.
C’est le maître des cérémonies,
Des mariages, des grands évènements,
La parure des princes, des présidents,
L’ornement idéal pour se faire remarquer,
La coiffe irremplaçable des artistes de théâtre,
Le complice incontournable des prestidigitateurs, des magiciens,
Qui en retirent habilement, en un tour de main,
Foulards, rubans, colombes et lapins.
Numéros extraordinaires que le public adore,
Demande et redemande, encore et encore.
Le chapeau melon est la vedette incontestée
Du film ‘’Chapeau melon et bottes de cuir’’,
Série qui passe souvent sur nos écrans,
Qu’il faut, à tout prix enregistrer,
Si vous ne l’avez pas encore fait.
... à suivre