DIX-MOTS 13 (4)
Le mot du jour
Autour des chevalets ils se sont retrouvés
Toiles inachevées et chefs-d'œuvre en jachère
Ensemble ils ont parlé, ensemble ils ont pleuré
Le peintre retourné pour toujours à la terre
Ils ont jeté les tubes, décroché les portraits
Et claqué derrière eux le portail outremer…
(Anick BAULARD)
Promenade
(10 mots pour la francophonie 2013)
En ce matin humide du 1er janvier, nous faisions en famille notre traditionnelle balade du jour de l’an vers le quadrilatère de l’hôpital Saint-Louis. Providentielle sortie aux allures de renaissance, le calme de l’histoire après la frénésie des achats, la lumière après la nuit blanche, l’air frais après la promiscuité, la marche aux vertus souveraines pour un sang trop riche et un cerveau embrumé. L’année 2012 avait été difficile.
Laissant la poussette et son conducteur contourner le canal Saint-Martin, je choisis de le franchir par la passerelle de la Grange aux belles qui domine l’écluse des Récollets. J’ai chaque fois le coup de foudre pour cet endroit au cachet romantique et paisible qui reflète également le savoir-faire des techniciens du XIXème siècle… Les eaux s’étalaient pour l’heure en un bouquet irisé renvoyant sur les vitrines des ateliers en vis-à-vis, de part et d’autre des quais, le reflet mouvant des branches de marronniers et des platanes centenaires. Je contemplais ce patrimoine unique que les services de la ville de Paris s’efforcent de protéger, songeant qu’il devait être bien doux d’avoir la chance d’habiter en ces lieux. Mais voilà que dans un grincement sourd, la porte aval de l’écluse s’ouvrit lentement, découvrant un bateau-promenade qui s’engagea dans le sas. De curieux touristes étaient montés à son bord : une équipe complète de joyeux fêtards venus terminer leur folle nuit de réveillon, visiblement encore éméchés et que la vue du bouillonnement des eaux remplissant le bief ne manqua pas de mettre en ébullition… Quelques beuglements et coups de trompette plus tard, l’embarcation repartit, emportant le troupeau au complet, l’eau du canal s’apaisa à nouveau. Quelques boules de cotillons colorées flottèrent quelques minutes avant d’être emportées par le courant. Cette-fois-ci, l’annus horibilis était bien terminée. Je continuai mon chemin.
Catherine Leguay-Tolleron, Beauvais, le 18 janvier 2013