Graines, gousses, épis, etc. (4)

Publié le par Monique MERABET

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LES ÉPIS DU CROSSANDRA

(Monique MERABET)

 

 

 

Pendant longtemps, j’ai cru qu’un phénomène extra naturel se produisait lors de l’arrosage de mon petit jardin.

 

Mi aroz atèr

bann ti goute an poundiak

i grène sï mon figuîr

 

… une sorte de devinette –créole. Kosa in shoz ?

Ah ! ces gouttelettes de l’au-delà ! Combien d’interrogations m’ont traversé l’esprit pour tenter de percer à jour le mystère de leur origine.

La pluie ? Même s’il lui arrive de se montrer pleine de malice et que, parfois, un nuage crève en averse, juste à la fin de l’arrosage, je ne peux pas l’incriminer au cœur de la sécheresse.

 

In sièl blë konmsa

minm pa in ti guiguine trass

larkansièl

 

Á moins que le vent…

 

Tuyau d’arrosage

le vent soudain me rabat

un arc-en-ciel

 

Mais non, pas le vent non plus. Même en saison d’alizé, je n’arrose pas toujours vent debout.

Et pourquoi le phénomène aurait-il lieu toujours au même endroit, là où poussent ces petites fleurs orange qui essaiment un peu partout ?

Ces arbrisseaux, je les ai trouvés en emménageant dans cette maison de la rue d’Après et je me suis renseignée sur leur nom auprès du voisinage.

« Ces petites fleurs insignifiantes, il vaut mieux vous en débarrasser. Vous allez être envahie »,  m’a conseillé la voisine qui ne cultive que des orchidées… et des roses.

Moi je les ai gardées, naturellement, et je me réjouis de leur invasion. Elles colorent mes parterres tout au long de l’année.

 

Bann sézon i pass

lo ti flër tango

i klèr partou

 

L’invasion… Tiens ! Tiens ! Voilà qui donne à réfléchir. Et si c’était…

Les séances d’arrosage ont toujours constitué pour moi des moments de détente, d’observations aussi.

 

Arrosage -

les haïkus de jardin

à découvrir

 

C’est encore l’occasion d’approcher de plus près les mystères des plantes et des animaux.

 

Sous le combava

Voir naître sous mes yeux

le rose du trèfle

 

C’est ainsi que je les ai confondus…

 

Bombardement -

pris en flagrant délit

l’épi du crossandra

 

 J’en suis restée bouche bée. Ainsi cela venait de ces fleurettes orange sans prétention ! Merveilles cachées de la vie ordinaire des végétaux. Je me souviens de ce botaniste, Jean-Marie PELT  qui nous les faisait partager dans ses époustouflants documentaires à la télé. Il nous révélait les chemins de survie prises par les graines : portées par le vent pour les délicates ombelles des pissenlits, accrochées aux pattes des insectes, voire dans le bec des oiseaux pour les spécimens les plus volumineux, piments martins, forêts endémiques que nous devons aux perroquets, etc…

Et pour en revenir à mon jardin, l’ingéniosité des épis du crossandra. Lors d’une brusque élévation du taux d’humidité détectée par les racines, la plante juge qu’il y a un terrain favorable pour la germination et les épis se transforment en sarbacanes, ensemençant les alentours.

De quoi rêver.

 

Une autre aventure s’est offerte à moi quand j’ai voulu connaître le nom de cette espèce végétale. J’ai cherché dans des livres de jardinage : rien ! Aucun jardinier expérimenté ne se donne la peine de planter « ça » apparemment. Quant à mon entourage ! La fantaisie créole est plus encline à baptiser les fleurs de façon imagée (« chevrette » m’a-t-on répondu, sans doute à cause des épis) que de suivre une lignée botanique scientifique.

 

Ti non gaté

oté ! Bann flër mon jardin

i koz pa an latin

 

Alors je me suis adressée à une pro… au marché du vendredi.

 

Etal de plantes

en frôlant une corolle

hurlement

 

Ce cri… C’est la vendeuse qui l’a poussé. Son précieux plant à quinze euros, faut pas toucher !

Je voulais juste le nom de la plante : j’ai déchiffré crossandra sur l’étiquette.

Je me suis exclamée :

 - Oh ! J’ai le même chez moi.

La vendeuse prit un air condescendant :

 - Ça m’étonnerait ! C’est une plante double qui vient de…

J’ai oublié le nom du prestigieux pays d’origine de la gouyav de France. C’est vrai, en y regardant mieux, les pétales étaient plus fournis…

Je lui ai tourné le dos, sans regrets, me disant que j’aimais autant la simplicité de mes petites fleurs orange qui, elles, au moins, fournissaient des graines capables de germer et capables de choisir le moment adéquat pour le faire..

 

Publié dans GRAINES

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