La feuille (bis)
LA FEUILLE QUI TOMBE
(Voyage inter-blog d’un haïku)
à Monika, à Marcel,
La feuille qui tombe, détachée du manguier, un matin de Février. Toute jaune, c’est cette couleur d’automne qui a capté mon attention. Et puis ses loopings légers avant d’aller se perdre dans l’herbe haute. Mon haïku immédiat :
Feuille qui tombe
aussi gracieuse
qu’un oiseau
Je n’ai pas noté la couleur, non. Sans doute pour ne pas induire une confusion de kigos. Pour le manguier de mon jardin tropical, quel non sens que cet automne en plein cœur de l’été austral.
Et puis cette comparaison trop explicite avec l’oiseau ne m’a pas satisfaite. J’ai voulu la rendre implicite en notant le contraste entre la chute irrémédiable de la feuille clouée au sol et le rebond possible d’un oiseau. J’ai écrit :
Feuille qui tombe
sans ailes
pour remonter
C’est celui-ci que j’ai publié sur mon blog.
Et voilà le commentaire de Monika qui vient faire « décoller » mon haïku de sa finalité première. Elle évoque un « clin d’œil au haïku classique japonais »
Aïe ! Faut pas faire une allusion comme ça à une mordue de haïkus comme moi ! Je n’ai eu de cesse de retrouver le « japonais » en question, et m’assurer au passage que je n’avais pas commis un involontaire plagiat !
Je suis bénie des dieux ! Non seulement, le haïku de Arakida Moritake (1473-1549) évoque une fleur (et non une feuille) et un papillon (pas un oiseau) mais je l’ai trouvé en deux versions, subtilité de la traduction du Japonais au Français :
Pétale envolé
à la branche revient
papillon hélas ! (in L’art du haïku)
Une fleur tombée
à la branche je la vois revenir
- c’est un papillon (trouvé sur le net)
Á noter que le tercet de Moritake (le vrai, celui écrit en japonais) voulait battre en brèche un dicton disant qu’on ne pouvait pas revenir en arrière.
Moi, j’ai plutôt songé avec nostalgie à l’après de cette chute, la fin d’une existence… qui ne sera plus jamais celle d’avant. Et voilà que le commentaire de Marcel vient apporter un complément essentiel :
La feuille
solitaire vestige
d’une vie
Le choix d’accueillir ce fragment de vie qui perdure sous la forme d’une simple feuille séparée des autres.
Merci aux amis qui portent mes esquisses de haïkus, qui leur offre une densité, un sens que je serai bien incapable de porter, seule.
Retrouvez-les sur link
et sur link
(Monique MERABET, 4 Mars 2013)