La marmite de Grand-mère Kal

Publié le par Monique MERABET

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LA MARMITE DE GRAND-MÈRE KAL

(Conte traditionnel de la Réunion écrit par les membres de l’Association Laféladi)

 

 

 

Il y avait une fois, pour une bonne fois, un marchand de foie qui mangeait son foie avec un grain de sel.

En ce temps-là, il y avait aussi une trâlée de méchants garnements qui passaient leur temps à jouer de vilains tours à tout le monde.

Ce matin-là, au lieu de partir pour l’école, ils allèrent se cacher dans la forêt.

Toute la journée, ils n’arrêtèrent pas de tourmenter les animaux rencontrés en chemin, dénichant les becs-roses, faisant fumer les crapauds, tapant sur les tangues et les rats musqués à coups de bâton, arrachant les queues des têtards… juste pour s’amuser.

Ils avaient oublié les leçons des parents et les mises en garde de Mémé sur le risque de tomber entre les griffes de Grand-mère Kal.

Mais la nuit tombe vite dans la forêt et bientôt, ils réalisèrent qu’ils s’étaient perdus. Et quand la pluie se mit à fariner, la peur les gagna : il faisait noir, il faisait froid, ils ne retrouvaient plus leur chemin.

Ils grelottaient, serrés les uns contre les autres sous un gros tamarin.

- Et si Grand-mère Kal venait pour nous prendre, pleurnicha Tipierre, le plus jeune de la bande. Elle peut arriver en misouk sur son balai, son grand bertel sur le dos… avec ses yeux rouges de sorcière !

- Arrête ! Tu vas nous flanquer la frousse avec tes bêtises ! s’exclama le Grand Bébert.

Inquiets malgré tout de devoir passer la nuit dans la forêt, les enfants se recroquevillèrent au creux des énormes racines. Ils ne parlaient plus, guettant les bruits de la vie nocturne.

Soudain, deux gros rats musqués se dressèrent dans une flaque de lune, juste sous leur nez. Ils montraient leurs dents blanches et pointues et leurs moustaches frémissaient.

- Hé ! Bébert ! dit Titin. Tirons nous de là. Les rats, ça mord.

Et voilà toute l’équipe à la recherche d’un autre abri. Ils se blottirent sous un gros rocher et se crurent sauvés ! Mais bien vite, ils aperçurent une multitude de petites lumières qui brillaient tout au fond.

- Qu’est-ce que vous venez faire ici ? Allez, ouste ! Dehors ! Sinon, gare à nos piquants.

C’était toute une famille de tangues prêts à les attaquer de leurs épines hérissées.

Ils durent déguerpir encore une fois, se cognant aux branches basses, trébuchant dans les joncs. Ils finirent leur course dans l’eau croupie d’une petite mare.

- Alors ? Qu’est-ce que vous venez fouiner ici ? Ça ne vous suffit pas d’avoir martyrisé nos petits toute la journée ?

- Coa ! Coa ! Coa !

Les parents crapauds se firent menaçants. La gorge gonflée à bloc, ils appelèrent à la rescousse un bataillon de crabes-la-boue, toutes pinces dehors.

Se sentant déjà happés par les tenailles acérées et attirés sous le limon au fond du trou, les enfants prirent leurs jambes à leur cou et détalèrent.

Pour reprendre haleine, ils s’assirent sur un tronc moussu couché dans l’herbe. Mais juste au-dessus de leurs têtes deux flammes jaunes les épiaient.

- Un shatmaron ! hurla Tipierre en pointant un doigt tremblant vers l’apparition.

C’est alors que retentit un lugubre « Tout !... Tout… Tout ! » Les enfants commencèrent à claquer des dents mais Bébert les rassura :

- Ça, je connais ! C’est le cri du fouquet. On peut dormir tranquilles.

Pour échapper à la pluie qui redoublait et à l’orage qui grondait, ils se glissèrent sous un amas de branches mortes et leurs yeux se fermèrent.

 

Seulement, cette nuit-là, comme cela lui arrive souvent, Grand-mère Kal rôdait dans la forêt, poussée par la faim.

Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas goûté à de la chair fraîche et tendre d’enfant et son ventre criait marmite.

Craignant de se trouver nez à nez avec son ennemi Grandiab dans le fénoir, elle prit son fanal et se mit en chemin…

Sur le coup de minuit, les enfants furent réveillés en sursaut par un sinistre éclat de rire :

- Gnink ! Gnink ! Gnink ! Que vois-je ? Mais c’est toute une nichée de petits vauriens… dodus à souhait !

Et hop ! Salivant déjà, la vieille lança prestement son tramail sur les quatre garçons ; elle l’attacha solidement avec quelques fils de choca et , sans perdre de temps… Fiak !... glissa le tout dans son bertel.

Elle ordonna à son balai de les emporter jusqu’au trou de volcan où elle se cachait :

- Ti balai, monte ! Monte !

- Et qu’ça saute ! rajouta-t-elle en le cinglant de son chabouk.

Et le balai de s’envoler cependant que Grand-mère Kal ricanait à l’idée du bon manger qu’elle allait faire cuire.

Soudain elle se tut, inquiétée par un drôle de bruit, loin derrière elle. C’était sûrement Grandiab qui la poursuivait.

- Ti balai, descends ! Descends ! Que je puisse semer ce maudit Grandiab !

Le balai atterrit brutalement.

Grand-mère kal dissimula son bertel près d’un rocher et s’étendit un peu plus loin.

Fatiguée d’avoir couru partout, la nuit durant, elle s’endormit sur le champet se mit à ronfler comme un ogre.

- Ron… Rron… Rarakapout ! Pout !... Pout !

Les longues plumes rouges qui entouraient sa bouche montaient et descendaient en cadence.

- Ron… Rron… Rarakapout ! Pout !... Pout !

Comprenant que Grand-mère Kal dormait profondément, Bébert chuchota aux autres :

- C’est le moment de filer. J’ai un canif dans ma poche.

Sitôt dit, sitôt fait, il coupa la ficelle et les voilà libres, prêts à déguerpir.

- Attendez ! cria Titoine. J’ai une idée.

Les enfants cueillirent deux énormes jaque-sosso bien mûrs sur un jaquier tout proche et les fourrèrent dans le bertel à leur place. Puis ils filèrent à toutes jambes.

Quand Grand-mère Kal se réveilla, tout était silencieux. Elle remit son bertel sur son dos, enfourcha son balai et, hop ! la voilà repartie.

Au bout d’un moment, elle sentit qu’elle avait le derrière tout trempé.

- Ah ! Ah ! Sales loupiots, vous avez peur, hein ! Pissez… pissez tant que vous voulez. Ça ne m’empêchera pas de vous manger tout à l’heure.

Enfin, elle arriva chez elle, dans l’Enclos, contente de se débarrasser de son lourd fardeau.

Elle empila de grosses branches sèches dans un recoin de la cheminée du volcan. Elle y installa sa grande marmite à trois pieds toue noire qu’elle remplit d’eau. Puis elle se concentra, battit des mains.

 

Clap ! Clap ! Clap !

 

Des éclairs en jaillirent ; elles s’en servirent pour allumer le feu.

Aussitôt une épaisse fumée se répandit dans le ciel comme une nappe de brouillard.

En attendant que l’eau se mette à bouillir, Grand-mère sortit son rouleur et se mit à chanter :

 

Chauffe ! Chauffe !

Boucané, cheminée,

Avec la pression va aller.

 

L’écho répétait ses paroles et les battements du tambour :

 « Badam… auffe… Badam… né… Badam… né… »

De temps à autre elle trempait un doigt crochu dans le chaudron.

Quand elle sentit sa griffe se ramollir, elle s’exclama :

- L’heure du bain a sonné ! Ah ! Ah ! Ah !

Aucun bruit ne s’échappait du bertel. Mais dans sa précipitation, Grand-mère Kal ne s’en soucia pas. D’un seul mouvement brusque, elle fit basculer le contenu du sac dans la marmite.

 

PLOUF !

 

Une gerbe d’eau en jaillit, l’ébouillantant de la tête aux pieds. C’est à peine si elle eut le temps de se rendre compte de la supercherie qu’elle tomba, raide, sur les scories.

 

Et, jusqu’à ce jour, personne ne sait si elle en réchappa.

Ce qui est sûr, c’est que les enfants, eux, retrouvèrent le chemin de leur maison. Et depuis cette aventure, on prétend qu’ils sont devenus sages et obéissants.

 

Hé oui! Chaque année vers la fin Octobre notre Granmèrkal péi vient nous retrouver... question, sans doute de ne pas laisser la place à sa rivale dëor Madame Alowin.

Sur Patpantin,vous pouvez aussi retrouver la version créole de ce conte traditionnel: "Lo shodron Granmèrkal"

Et vous pouvez retrouver les deux versions françaises et créole ainsi que les belles illustrations de Huguette Payet dans l'album publié par Marmailles éditions pour l'Association Laféladi en 2009.

 

 

 

Publié dans Evènements

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A
BONJKOUR LES AMI D A1VOIR VENIR A MON MAISON POU BONBON MERCI MON NUMERO DE TEL 0692111330<br /> MERCI UN PEU ALLERALERALER GRAND MERE KAL<br /> OUOUOUOUOUOUOUOUOUOIUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOPUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOOUOUOUOOUOUOOUOUOUOUOOUOUOUOUOOUOOPUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOUOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOUOPUOUOUOPUOPUOUOUOUOUOP0UOUOUOUOUOPUOUOUOUO
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A
DAVOIR NG SI OU LE UN VRAI DENSOLE QUOUIN ET BEIN ALORS BALANCE SA POU MOIN FE CONM FE COM FE COM SA BABABALANCE GRAND ECART
C
<br /> <br /> Merci Monique de redonner un peu la parole à GrandMèreKal, à notre époque formidable on continue à souffrir du syndrome de la 'goyave de France' ou d'ailleurs!...un espoir cependant, on dirait<br /> que cette année on a bien moins entendu parler d'Halloween et c'est tant mieux car cet avatar américain est une pure affaire commerciale...piquée d'ailleurs à l'Angleterre, où ça n'avait pas<br /> grand-chose à voir avec la baudruche orange! ! !enfin! il faut évoluer à ce qu'on dit.bises<br /> <br /> <br /> <br />
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