LAMBREQUINS ET VIEUX BARDEAUX (28)
LE PENDULE DE GRÉGOIRE 1
Mardi, 7 Janvier 2003
Il était déjà huit heures et le soleil tapait dur.
Vanessa avait raté son bus. Après la fête qui avait suivi le jeu de rôles de la nuit dernière, elle avait eu du mal à se réveiller ce matin.
Elle avait emprunté une autre ligne, ce qui l’avait laissée à plus d’un kilomètre de la Kaz Bougainvil et elle se hâtait en ronchonnant tout au long du dédale des rues de la Cité des Flamboyants dans laquelle était enclavée la vieille maison.
Elle avait beau se dire qu’il faisait jour de bonne heure en cette saison, qu’Héloïse avait regagné sa chambre depuis belle lurette, une sourde angoisse la tenaillait.
Elle ne se sentait pas très fière de son comportement de la veille… Et si, malgré toutes les précautions prises, Héloïse avait paniqué ? Si elle avait tenté de rentrer chez elle dans la nuit noire ?
Vanessa s’en voulait. Elle aurait dû prendre en compte ces éventualités puisqu’elle portait la responsabilité de leur expédition nocturne. Par exemple, elle aurait dû s’assurer que leur « otage » ne chercherait pas à quitter la case pour se risquer dans ce quartier où l’éclairage public faisait défaut ; elle aurait dû, oui…
Mais emportée par l’euphorie de leur « performance » qui s’était déroulée à la perfection, mis à part l’incident du fil décroché, elle avait suivi les autres sans réfléchir et la joyeuse bande avait filé vers le glacier du centre ville où la fiesta avait continué jusqu’à minuit passé.
Lorsqu’elle parvint aux abords du chantier, elle se mit à courir et demeura pétrifiée à la vue d’Héloïse assise, seule sur la plus haute marche du perron ; la jeune fille avait les traits tirés, les paupières boursouflées.
- Mon Dieu, Héloïse ! Que t’arrive-t-il ? Ce n’est pas notre petite plaisanterie de la nuit dernière qui t’a mise dans cet état, tout de même ?
L’animosité qu’elle éprouvait pour l’étudiante, ce matin encore, fondit devant l’aspect pitoyable de la jeune fille. Elle se précipita pour la prendre dans ses bras et la bercer comme une enfant.
Héloïse ne réagit pas.
- Je suis vraiment désolée, Héloïse… Ce n’était qu’un jeu… Et je croyais… On avait laissé suffisamment d’indices, pourtant… Oh ! Pardonne-moi !
La colère d’Héloïse explosa :
- Je me fous de vos histoires débiles. Kouri…
Sa phrase se termina dans un sanglot.