Printemps pour mon île

Publié le par Monique MERABET

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         Ce Premier Mai,

 

Mon île,

 

J’écris pour oublier que tu n’as jamais été la vierge fiancée des rêves aventuriers, que tu n’as jamais respiré la naïve fraîcheur d’une fille-fleur. Que tu n’as jamais rosi d’émoi aux murmures d’amour d’un timide soupirant, arpégeant dans les palmes de tes palmistes et de tes fanjans.

Toi, l’immuable Dame verte et garance écrasée de soleil, épouse et femme féconde dès la première rencontre !

Toi, l’éternel été d’incandescence de cette Fournaise que tu as peine à dissimuler entre tes flancs meurtris !

Toi, la courtisane toujours parée, fard d’une bougainvillée, khôl d’une trouée de ciel clair, diadème des paille-en-queue couronnant tes pérennes appas !

Mon île, as-tu jamais songé à l’innocence d’un printemps ? au repos de la terre qui soupire d’aise sous son virginal manteau, aux friselis du ciel dans la froidure d’un hiver grisonnant, à la bise d’automne arrachant sans ménagement jusqu’au dernier de tes oripeaux, aux teintes attendrissantes des primevères étoilant le sol encore dénudé, aux jonquilles, narcisses et jacinthes pastellisant à profusion ?

N’as-tu jamais soupiré après ces douceurs interlopes qui n’atteignent pas tes rivages ?

 

Non, jamais tu ne comprendras ma nostalgie des jardins de Provence où je me languissais pourtant de tes charmes.

Á vrai dire, je t’oubliais un peu, communiant à l’unisson de l’étrangère nature – exotisme à rebours – qui m’aguichait des effluves renouvelés de thym et de lavande, des bouquets de porcelaine des vergers renaissants et du ballet chatoyant des abeilles réveillées.

Et l’amour des coquelicots.

 

Le coquelicot

ne vient pas en mon jardin –

faut-il l’oublier ?

 

 

Alors, parfois, je t’invente un printemps de verroterie, des saisons d’importation qui tournent leur manège sur mon calendrier à contre-courant !

Tu n’aimes pas que je te rappelle que tu n’es qu’une île de cailloux et de sable, que je souligne ces failles à ton désir effréné d’universalité, cette incapacité à rassembler en ton seul giron tous les rythmes dissonants du temps.

Tu ressens comme une tare ces crépuscules trop courts, ce rationnement de tes heures d’ensoleillement, ces freins à ton plaisir d’apprivoiser tout ce qui respire au monde.

Toi, tu voudrais réunir la fertile chaleur des tropiques et le soleil de minuit, les fruits de pourpre sucrée et le trésor délicat des fleurs de la neige ; tu voudrais offrir encore plus, encore mieux que la foisonnante splendeur de tes jardins créoles.

 

Par la fenêtre

le flamboyant – la neige

sur le calendrier

 

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Allons, sèche les larmes qui perlent aux nuages roses de tes suaves couchants.

Je t’aime comme tu es !

Je t’aime pour l’irrévérencieuse malice avec laquelle tu traites la rigueur des chorégraphies du temps…

Toi, la maraîchère inspirée des contre-saison, l’espiègle ballerine qui profite d’une sécheresse prolongée ou d’un cyclone tardif pour te livrer à l’improvisation de libres figures : insolite pas de deux des orchidées de Novembre et des flamboyants du Jour de l’An fleurissant un Avril surpris de telles attentions, acrobaties des fruits à pain qui étirent leur crâne de marqueterie en vertu d’on ne sait quelle attraction.

Et ce muguet pays qui fait tintinnabuler ses clochettes secrètes pour un Premier Mai habitué à d’autres porte-bonheur par procuration.

 

Premier Mai d’ici

sans muguet – deux fleurs de plus

à l’orchidée blanche

 

Monique MERABET

Publié dans ARBRES

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J
<br /> <br /> Salut Monique,<br /> <br /> <br /> Comment vas-tu ? Cela fait un petit moment qu'on n'est vues !<br /> <br /> <br /> Bises à toutes les fées !<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Bises***, à demain !<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Merci et bon premier mai aussi<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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