Tic et Toc (Joëlle BRETHES)

Publié le par Monique MERABET

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                                (image Flickr)

 

TIC ET TOC

(Joëlle BRETHES)

 

Dans le cabinet d'un psychiatre. (un divan en arrière plan). Le bureau du docteur au premier plan. Le docteur est devant l'une des deux portes. Il fait sortir un patient par l'une, et accueille la dame par l'autre. Pendant la séance avec la dame, il pianotera fréquemment sur son bureau.

 

DOCTEUR : (Désignant le divan.) - Bonjour, madame, prenez place.

DAME : Euh, ce n'est peut-être pas nécessaire... c'est mon mari qui a un problème.

DOCTEUR : - Dans ce cas, c'est lui qui devrait être là.

DAME : - Il ne veut pas venir... Il déteste tout ce qui porte une blouse blanche.

DOCTEUR : - Je n'en porte pas, Madame.

DAME : - C'était façon de parler, Docteur... Écoutez, j'ai besoin d'aide, de conseils. ma vie est un enfer... Je sens que je vais devenir folle...

DOCTEUR : - Dans ce cas, je vous écoute : la prévention est toujours préférable à une série d'actes curatifs, hélas pas toujours efficaces.

DAME : - Voilà ! Mon mari a un tic.

DOCTEUR : Un tic, ou un toc ?

DAME : C'est quoi, un toc ?

DOCTEUR : Ma chère Madame, tic et toc sont classés « dystonies » mais, si tous les tocs sont d'une certaine façon des tics, les tics ne sont pas des tocs...

DAME : - Ah... Euh...

DOCTEUR : - Intéressant, n'est-ce pas ? Bon, ben je vous écoute.  Dites-moi tout.

DAME : - Voilà : mon mari passe sa vie à compter.

DOCTEUR : - Des objets ou des histoires ?

DAME : - Je vous demande pardon ?

DOCTEUR : - Je vous demande s'il conte « Il était une fois » ou s'il compte 1, 2, 3, etc.

DAME : ...

DOCTEUR : - Dans le premier cas, c'est un littéraire, dans l'autre cas...

DAME: - C'est l'autre cas ! Il compte « 1, 2, 3, etc. » Et y'a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'etc. !

DOCEUR : - C'est donc un toc.

DAME : (Aparté.)  - Marcel a donc raison en disant à son père qu'il est toqué... (Au docteur.) C'est grave ?

DOCTEUR : - Ça dépend. Ça lui prend souvent ?

DAME : - Chaque fois que l'occasion se présente. Tenez, s'il était venu chez vous, il aurait commencé par compter le nombre de pas entre notre domicile et votre cabinet. (Mi-voix, air concentré.) Mille quatre cent vingt sept ! (Voix normale.)  En chemin, il aurait compté le nombre de gens rencontrés... par sexe ! (Mi-voix, air concentré.)  quarante-et-une femme et dix-sept hommes) Et peut-être même en fonction de leur couleur de cheveux (Mi-voix, air concentré.)  cinquante-deux bruns, quatre blonds... (Elle s'arrête, perplexe) Il en manque... Ah oui! Y'avait  deux chauves. (Voix normale.) Il aurait ensuite compté les marches d'escalier (Mi-voix, air concentré.)  Vingt-sept, (Voix normale.) et sans doute aussi le temps mis entre le moment où il aurait sonné et celui où votre secrétaire lui aurait ouvert. (Mi-voix.)  Tiens, j'y ai pas pensé, moi !

DOCTEUR : - Je vois, je vois...

On toque ; la secrétaire passe la tête : Docteur, vous pouvez venir un instant ? C'est urgent.

DOCTEUR : - Je vous prie de m'excuser ;  puis-je vous laisser  une minute toute seule ?

DAME : - Faites, Docteur, faites. (Il disparaît ; elle sort son GSM) Allô ? Mireille? Je suis chez ton docteur... Il est bizarre, cet homme, tu sais quoi ? Il est tiqué ? Ben oui, tiqué : il a un tic, quoi : il n'arrête pas de pianoter sur son bureau :  il a fait ça soixante quatorze fois, tu te rends compte ! C'est agaçant ! Et puis, comment veux tu qu'un tiqué puisse soigner un toqué ? Ben je te laisse ; je crois qu'il revient.

DOCTEUR : Je suis désolé mais je vais devoir vous donner un autre rendez-vous. Je dois procéder à un internement. Voyez ma secrétaire. (Il la pousse vers la porte qu'il referme. Il revient tout excité à son bureau, prend son téléphone...)  Mais d'abord... Allô, cher confrère ? Je viens d'avoir la preuve qu'une hypothèse qui me tient à coeur depuis de nombreuses années est juste. Je viens de recevoir une femme dont le mari souffre d'un TOC et... elle l'a manifestement A-TTRA-Pé. Si! Si ! Et je vous offre la primeur de la communication que je ferai au colloque de demain : « Le « Toc » est une dystonie CON-TA-GIEUSE ! ». Non ! Ce n'est pas un conte à dormir debout. Mais non ! Je ne plaisante pas... Non ! je ne suis pas fou. Allô ? Allô ? (Il regarde le téléphone d'un air fâché.) Le malappris : il a raccroché.

 

Publié dans KONT

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J
<br /> <br /> Merci à Monique et à Reinette...<br /> <br /> <br /> C'est vrai que les plus fous d'entre nous passent parfois inaperçus et qu'ils ne nous font pas forcément rire quand ils s'agitent ailleurs que sur une scène de théâtre.<br /> <br /> <br /> Reinette, je troque ici ton tacon  de trucs pour traquer les tics et les tocs contre un ticket m'autorisant à stocker tout à trac ces tiqués et ces toqués passant à ma portée ...<br /> <br /> <br /> Bises à vous deux<br /> <br /> <br /> Joëlle<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> tiqué, toqué et si on leur fermait le tacquet<br /> <br /> <br /> on pourrait aussi astiquer le tiquer<br /> <br /> <br /> et destocker le toqué.<br /> <br /> <br /> qu'en dis-tu?<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Bravo Reinette et merci pour ta visite. A bientôt pour d'autres écrits.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Rigolote ta saynète, Joëlle. Le toqué n'est pas toujours celui que l'on croit.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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