Turquoise
VARIATIONS SUR LA COULEUR TURQUOISE
Turquoise : la couleur du jour. Pas la couleur du ciel de ce matin de Février changeant, pourtant… j’observe juste un zeste de bleu pâle, vite recouvert d’une brume de nuages. Et voilà la pluie, encore !
C’est pour cela d’ailleurs, à cause de cette saison de pluies exceptionnellement durable, à cause de ce cyclone fou qui a traversé le Canal du Mozambique et le Sud malgache et qui entreprend de remonter (en latitude) vers nous, que le pique-nique et les lectures de l’équipe de Patpantin ont dû être reportés vers les cieux plus cléments de Mars ! Aujourd’hui, donc, je fais les dix-mots buissonniers.
Journée vagabonde
à la poursuite
des nuages
Turquoise est le thème d’il y a deux jours pour le NaHaWriMo, ce défi qui occupe les haijins-joueurs sur Facebook. Moi je suis, par des chemins de traverse en caracolant d’un blog à l’autre. Je parcours des sentiers détournés, oubliant tel mot, flânant sur un autre, tel ce turquoise alléchant, cette teinte qui me fait rêver, qui exerce sur ma personnalité une attraction mystérieuse. Peut-être à cause de mon signe astrologique de Poissons : signe d’eau, j’aime les couleurs changeantes de la mer du bleu au vert, au violet et ces lagons turquoise qui viennent lécher les plages de sable fin. Oh ! Le beau cliché !
La dame « fondants »
caraco jaune safran
sur jupe turquoise
Revenons plutôt aux souvenirs : ces fondants pur sucre en forme de rhomboèdres. Rhomboèdres ? Rhomboèdres ? Est-ce que j’ai une tête de parallélépipède ? La précision mathématique semble bien barbare pour qualifier ces sucreries qui étaient de toutes les fêtes de mon enfance. J’aimais leurs couleurs vives censées révéler la saveur fruitée qu’ils renfermaient : jaune… citron, vert… menthe, marron… chocolat, rouge… grenadine, etc. Moi, mes préférés, ce sont les turquoise ! Je retrouve sur mes papilles leur arôme (artificiel) d’amande mais il s’agissait là d’une saveur brute bien éloignée des suavités de l’orgeat ou de la crème frangipane…
Non ! Ce goût sauvage me rappelle l’amande des noyaux de pêche qui jalonnaient tous les libres sentiers de mes vacances vagabondes. Ces graines semées au petit bonheur la chance de nos maraudes enfantines. Á la fin des vacances, lorsque mes cousines et moi avions dépouillé tous les pêchers du voisinage (pêchers retournés à la vie sauvage, je m’empresse de le préciser)), nous nous attelions au ramassage des noyaux secs, le plus gros sac à celle qui avait la meilleure mémoire de nos pistes erratiques. On procédait ensuite au concassage à l’aide d’un gros caillou. Un coup de galet bien ajusté – Marmay fé atansiion zot doi – et, à nous le plaisir de croquer l’amande un peu amère, à la saveur unique, au vague goût d’interdit : ma mère, l’institutrice se rappelait l’acide prussique, s’inquiétait de nous voir les ingurgiter, se demandant combien de fruits nous approcheraient de l’empoisonnement. Que l’on se rassure ! Aucun décès prématuré n’a frappé les membres de notre atelier de broyage.
Il nous fallait beaucoup de savoir faire pour arriver à séparer le noyau en deux et en extirper l’amande entière. Si on tape trop fort, on fait éclater l’amande et il faut recracher les petits bouts de coque dure qui s’y mêle ; si on ne frappe pas assez fort, on ne produit qu’une fêlure qu’il faut agrandir en s’abîmant les ongles.
Le bon geste du casseur consistait à s’accroupir, le galet bien vis-à-vis du noyau posé sur une marche et d’abaisser le bras d’un geste rapide et sûr… Souvenirs… Souvenirs…
Et tout cela ne me dit pas pourquoi, on associe ce bleu si particulier à l’amande. . .
Pylône électrique
tout autour couronne malbar*
couleur turquoise
Mon voisin est tamoul et s’adonne parfois à ces rituels qui me semblent bizarres. Sans doute cherche-t-il à s’attirer les faveurs d’un de ces innombrables dieux du panthéon indien afin de protéger sa maison d’un coup de foudre, par exemple. Il ne manque pas non plus de lui adjoindre un bouquet de fleurs rouge cerise ou jaune safran. Ça vous a un de ces cachets !
Aïe les yeux ! Mais, autre culture, autre sens de l’harmonie…
« Parlez pas Français ? »
robe verte à fleurs turquoise
au guichet de la poste
Je l’ai trouvée magnifique… moi qui assortit toujours mon tee-shirt bleu vif à un pantalon noir !
(Monique MERABET, 23 Février 2013)