Jeux d'ombre et de lézard
JEUX D’OMBRE ET DE LÉZARD
Mon haïku d’aujourd’hui sera jeu d’ombres et de lézards. Je ne me lasse pas de leur vert pétard, presque irréel ; comme je ne me lasse pas du rose flashy des belles de nuit pas encore entièrement refermées, maraudant un peu de la belle lumière de ce matin.
Mon haïku d’aujourd’hui s’inspirera du lézard « poussière d’or » (à cause des petits points jaunes de la queue), perdu dans l’ombre protéiforme d’un cactus ; il ne sait plus démêler sa réalité en trois dimensions de la virtualité en deux dimensions de la projection du cactus (vert lui aussi, mais l’ombre ne le dit pas) sur la surface rebondie d’un pot en terre cuite.
Non ! L’ombre ne dit pas tout ; elle se cantonne à une tache plus sombre se détachant sur un fond lumineux. L’ombre n’existe pas sans la lumière dont elle est le négatif.
Pourtant, ne dit-elle pas l’essentiel, la forme… qui circonscrit l’espace en une image que je peux reconnaître. Ce qui reste lorsque les yeux ne différencient plus les couleurs.
Elle est facétieuse aussi, l’ombre. Elle s’évertue à déformer la réalité, à la rendre autre. Aïe ! Et mon haïku, alors ? Dira-t-il la vérité objective, scientifique de l’observation ? Ira-t-il plutôt flirter avec l’inconnue d’une fausse représentation – mais vraie quand même – que vient imposer à la rétine un arrangement de photons ?
Et que sera mon écriture, sinon une autre projection subjective (une abstraction) que me renverra mon magasin à sensations ? Nos sens puisent toujours au fond de cette part inconsciente que nous avons engrangée le temps d’une existence.
Temps si court, à l’aune de nos désirs de longévité qui se brisent sur l’effritement des années déjà parcourues… comme si c’était hier.
Temps infini d’instants, vertigineux plongeon au cœur de l’intemporalité de la Vie.
Ah ! Le haïku ! Enfin, quelques essais…
Le lézard vert croit
échapper à mon regard
l’ombre du cactus
Oui, je sais… je suis en plein délit de personnification. Mais, pourquoi pas ? Je me targue de communiquer avec le lézard comme avec les fleurs… même s’ils ne le savent pas.
ombre du cactus
dans les ramifications
un lézard se perd
C’est mieux ? Ramifications… ça grince un peu, non ?
Un lézard vert
se perd dans l’ombre
du cactus
Plus simple… et donc meilleur.
(Monique MERABET, 13 Février 2014)