La musique des mots
LA MUSIQUE DES MOTS
Samedi
ouvrir les volets
écouter
Ce matin l’air est rempli de chants d’oiseaux. « Rempli » au sens littéral du terme. Je respire les notes joyeuses et cela me ravit.
L’espace tout entier a changé de structure ; il a remplacé l’abstraction de ses points, lignes, surfaces, par une géométrie musicale ondulatoire, multidimensionnelle.
Entendez-vous, au loin ce plan de notes qui s’élèvent, se répondent, brodent un motif ? S’envelopper d’un fantastique châle de pépiements, de trilles, de gazouillis, de roucoulades…
Et le temps ? Le temps s’écoule, lui aussi, au rythme d’un champ aléatoire de sonorités ; le temps s’est tu au clocher prosaïquement proche ; il se dilate, écho infini d’un horizon de lumière. Maman, il s’arrête où, le ciel ?
Concert de points sonores surgissant au hasard du matin tranquille. Jeu d’attrape-son qui me rappelle un peu cet examen de champ visuel que j’ai subi : sur l’écran apparaissent des petits points lumineux en série aléatoire, à droite, à gauche, en haut, en bas… et le patient doit biper lorsqu’il en aperçoit un.
Chants d’oiseaux
ma page se remplit
de mots
Aujourd’hui, c’est mon écriture qui capte les sons environnants : mes mots et le silence recueilli de toute mon acuité d’attention.
Si j’étais musicienne, je coderais cette musique en oiseaux-rondes, oiseaux-blanches, oiseaux-noires… croches, doubles croches, triples croches funambulant sur les lignes de mon cahier. Quadruples croches ? Holà ! Va moins vite petit oiseau, mes doigts ont perdu de leurs déliés ! Mais je n’ai jamais su mémoriser la valeur des notes entendues, les relier à une gamme transmissible.
Je n’ai jamais su dessiner un oiseau, non plus…
Alors, que je me contente de regarder la portée vivante de piafs posés sur les fils électriques, au soleil de ce matin !
Que je me contente de ces petits signes qui courent au bout de la plume, sans que j’en contrôle l’émission. Magie de l’écriture qui semble jaillir de façon spontanée, la trace mauve de mes pensées. Prêtes à être lues.
Les oiseaux chantent et moi, j’écris. Tout un concert de lettres.
Peut-être y a-t-il une correspondance entre l’espace-chant de ce samedi et les syllabes des mots que je forme ?
Ce matin…
Hier soir, pastel de rose, de jaune, de mauve. Nuances de l’ineffable qui dilate le cœur, qui me rend consciente de l’âme que je partage avec tant d’autres êtres vivants. Tant de beauté dans un nuage !
(Monique MERABET, 22 Mars 2014)