Le vol du bourdon
LE VOL DU BOURDON
Jour de l’An chinois. Les pétards en salves régulières réveillent les démons de ma journée : faire, courir, courir, courir…
Je brasse à grands coups de cuillère la surface crémeuse de mon café. En sortira-t-il un cheval ?
Mais mon café n’est pas très chinois ce matin. Il m’offre cinq petits bulles disposées en pentagone régulier : un mandala pour me ramener aux cinq sens des haïkus.
Ah ! Le vol du bourdon de ce matin !
Vol de mouche charbon
sur la photo figée
l’éblouissement
La mouche charbon qui n’est ni une mouche, ni le faux bourdon à qui il ressemble (faux « faux bourdon »). C’est une abeille charpentière, xyloscopa fenestrata pour les intimes.
Elle plonge vers une fleur de thunbergia qui donne dans le vide. Je ramène la fleur à mon champ de vision.
La mouche charbon
à son petit déjeuner
- cause à mon abdomen !
Je lui dis de m’attendre là… mon appareil photo n’est pas très loin. Et le voilà… en intérieur, en extérieur. Reflets bleutés. Effet de crème fouettée d’un battement d’ailes. Je ne l’avais jamais vue avec tout ce jaune sur le dos. Le pollen qu’elle trimballe de fleur en fleur à féconder. Combien faut-il de vibratos, de ces plongeons-aspirations au plus intime d’une corolle pour que se forment quelques graines, tite fleur fanée ?
Jaune de pollen
Le ventre noir de l’abeille
retour à la fleur
Je n’ai qu’à ouvrir mon âme pour accueillir le monde qui m’est paradis. Coucou les oiseaux ! On voit mieux le soleil, là-haut ?
Ma photographie est statique. Comment décrire l’émerveillement ressenti ? Il y a quelque chose de magique dans ces moulinets rapides jaune-noir-jaune, transparence… Il y a quelque chose d’un peu mystique dans cet abdomen vernissé plongeant au cœur de la vie, perpétuant la vie. Échappée divine que j’ai partagée.
(Monique MERABET, 31 Janvier 2014)