Matin de mauréveil

Publié le par Monique MERABET

Matin de mauréveil

MATIN DE MAURÉVEIL

 

 

 

Les belles de nuit

des nuits d’été – quelques gouttes

pour mon déjeuner

 

raccourci de souvenirs

au matin de mauréveil*

 

Nuit poisseuse de combat contre les moustiques. Contre le moustique, plutôt, tant j’ai l’impression qu’un seul de ces vibrions vient m’asticoter, couvrir de piqûres la moindre parcelle de peau dénudée.

Et pour conséquence, ce réveil tardif (enfin, tout est relatif, rien à voir avec une grasse matinée…) pour compenser, récupérer quelques séquences brèves de précieux sommeil, après m’être badigeonnée de lotion un peu écœurante.

Je n’aime pas me lever lorsque le soleil est déjà si haut dans le ciel – si brûlant, aussi – lorsque les rumeurs des activités humaines se sont précisées, envahissant mon espace acoustique : radios, moteurs, perceuses, aspirateurs, etc.

Combien d’actes désagréables se sont perpétrés avant que ma page d’écriture puisse envelopper ma journée de douceur et de beauté ! Combien d’enfants mal réveillés, traînés hors de leurs rêves devant un petit-déjeuner à ingurgiter, dépêche-toi, dépêche-toi ! Combien de coups de peignes brutalisant une chevelure embroussaillée, Aïe, tu me fais mal ! Combien de batailles perdues d’avance : si ! tu la mettras, la robe verte, non ! je veux pas, elle me gratte, si ! non ! si…

Souvenir de petite fille régurgitant en pensée le bol de lait matinal avalé sous la menace du fouet ; souvenir d’un petit garçon qui n’aimait pas l’école, accroché aux bras accueillants de la nénène, Antonia, je veux de l’eau sucrée… Souvenir de ces paletots faits main au tissu rêche, que deux petites filles devaient endosser, il fait frais ce matin.

Souvenirs… qui me font oublier qu’il fera encore bien chaud aujourd’hui et que l’herbe poussera plus verte et plus drue.

Comment vivent-elles ces nuits estivales, les belles de nuit ? Nuits d’ivresse, de visites nuptiales, de merveilleuse ondée vivifiant la lune en déclin ?

Belles, si belles des nuits d’été ! Il ne me reste qu’à imaginer.

 

Profonde est la nuit

les fleurs s’enivrent d’étoiles

parfum de minuit.

 

Parfums capiteux

les calices se remplissent

ivresse infinie

 

Tanguant sur leurs tiges

les pétales abandonnent

toute retenue

 

Les belles de nuit

corolles entre deux vins

leur blanc a rosi.

 

La lune s’abstient

son teint chaste de vestale

n’accepte que pluie

 

Rosée du matin

quand transhument les étoiles

le dégrisement.

 

(Monique MERABET, 20 Février 2014)


*mauréveil: néologisme pour mauvais réveil

Publié dans Haïbuns

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D
Tu as vraiment l'art d'entraîner ton lecteur - ta lectrice en l'occurrence - à ta suite ! J'adore tes souvenirs d'enfance et toutes ces sensations à fleur de peau.<br /> Joli néologisme ce &quot;mauréveil&quot;.
Répondre
M
Finalement il n'était pas si mau le réveil...
M
Quelle belle suite de haïkus Monique ! Chacun constitue la note d'une belle mélodie !
Répondre
M
Hum! Je ne sais pas si mes &quot;haïkus&quot; sont bien orthodoxes... Mais je n'hésite pas à me faire plaisir. Tant qu'il y a la poésie.<br /> C'est vrai ce que tu dis: ce serait bien de les chanter...