Matin de mauréveil
MATIN DE MAURÉVEIL
Les belles de nuit
des nuits d’été – quelques gouttes
pour mon déjeuner
raccourci de souvenirs
au matin de mauréveil*
Nuit poisseuse de combat contre les moustiques. Contre le moustique, plutôt, tant j’ai l’impression qu’un seul de ces vibrions vient m’asticoter, couvrir de piqûres la moindre parcelle de peau dénudée.
Et pour conséquence, ce réveil tardif (enfin, tout est relatif, rien à voir avec une grasse matinée…) pour compenser, récupérer quelques séquences brèves de précieux sommeil, après m’être badigeonnée de lotion un peu écœurante.
Je n’aime pas me lever lorsque le soleil est déjà si haut dans le ciel – si brûlant, aussi – lorsque les rumeurs des activités humaines se sont précisées, envahissant mon espace acoustique : radios, moteurs, perceuses, aspirateurs, etc.
Combien d’actes désagréables se sont perpétrés avant que ma page d’écriture puisse envelopper ma journée de douceur et de beauté ! Combien d’enfants mal réveillés, traînés hors de leurs rêves devant un petit-déjeuner à ingurgiter, dépêche-toi, dépêche-toi ! Combien de coups de peignes brutalisant une chevelure embroussaillée, Aïe, tu me fais mal ! Combien de batailles perdues d’avance : si ! tu la mettras, la robe verte, non ! je veux pas, elle me gratte, si ! non ! si…
Souvenir de petite fille régurgitant en pensée le bol de lait matinal avalé sous la menace du fouet ; souvenir d’un petit garçon qui n’aimait pas l’école, accroché aux bras accueillants de la nénène, Antonia, je veux de l’eau sucrée… Souvenir de ces paletots faits main au tissu rêche, que deux petites filles devaient endosser, il fait frais ce matin.
Souvenirs… qui me font oublier qu’il fera encore bien chaud aujourd’hui et que l’herbe poussera plus verte et plus drue.
Comment vivent-elles ces nuits estivales, les belles de nuit ? Nuits d’ivresse, de visites nuptiales, de merveilleuse ondée vivifiant la lune en déclin ?
Belles, si belles des nuits d’été ! Il ne me reste qu’à imaginer.
Profonde est la nuit
les fleurs s’enivrent d’étoiles
parfum de minuit.
Parfums capiteux
les calices se remplissent
ivresse infinie
Tanguant sur leurs tiges
les pétales abandonnent
toute retenue
Les belles de nuit
corolles entre deux vins
leur blanc a rosi.
La lune s’abstient
son teint chaste de vestale
n’accepte que pluie
Rosée du matin
quand transhument les étoiles
le dégrisement.
(Monique MERABET, 20 Février 2014)
*mauréveil: néologisme pour mauvais réveil