Déjà

Publié le par Monique MERABET

Déjà

DÉJÁ

 

 

 

Il me faudrait un mot spécifique pour qualifier mon état d’esprit au réveil. Créons notre propre vocabulaire… oui, mais pas trop !

Et puis comment décrire ce matin soucieux où l’on n’arrive pas à s’arracher aux petites craintes qui nous taraudent ? Le ciel, pourtant, sasse ses nuages, d’un bleu indigo indifférent.

Les petits actes quotidiens de mise en route, j’aime bien les faire dans un ordre déterminé. Ce matin, ils se bousculent : je me suis brossé les dents, j’ai épluché sa pomme… avant de mettre la grègue* de café à réchauffer sur le feu.

 

Mot à inventer

la fourmi parcourt ma page

en zigzags rapides

 

Matin-zig-zag peut-être… à doubles tirets pour bien marquer l’hésitation à lui donner tournure. Il y a des jours où l’on n’a pas envie de se mêler au monde.

Un lundi un peu vide, un peu las que je ne requinquerai pas de ces mots falots manquant de vitamines. Raplapla… voilà, j’suis raplapla.

 

Moignons de corolles

les belles de nuit se détournent

serait-ce le vent ?

 

Dernière gorgée de café. Le chat contemple d’un air absent son bol d’eau… et puis s’en va. Rien à attendre, à espérer de moi ce matin. Petite fourmi, où es-tu ?

La sueur des heures à venir me colle déjà aux pores. J’écris. J’évacue, j’évacue. Je me sens mieux, allégée. Mes mots de papier boivent tous les atermoiements du jour. L’horloge du voisin sonne clairement la demie, presque synchrone avec celle de l’église proche. La demie… déjà !

Déjà ? Ai-je écrit ce mot par habitude, afin de ne pas rompre avec notre illusion morbide que le temps passe trop vite ?

Je ressens comme une pointe d’ironie glissée dans ce « déjà ! » : une pique subconsciente. Oups ! Même moi se moque de moi

Déjà ? Allons, il est temps de me replonger dans ma rêverie, de regarder le vent passer. C’est plus agréable et plus positif (+ + +) que me battre avec mon temps, cette entité bâtarde et temporaire dont je viendrai à bout un jour.

Quand de la vie sur la terre, j’aurai fait le deuil, j’emporterai le temps dans les plis de mon linceul.

Le vent, lui, soufflera toujours. C’est rassurant.

 

Fleur de grenadier

regarder danser le vent

à pleine rétine

 

(Monique MERABET, 3 Mars 2014)

 

*grègue : récipient en zinc dans lequel se préparait le café créole autrefois. Mon café à moi se fait dans une cafetière électrique (on n’arrête pas le progrès) et je le réchauffe dans un petit récipient en …inox (on n’arrête pas le progrès… bis répétita)

 

 

 

 

Publié dans Haïbuns

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
&quot;Il y a des jours où l’on n’a pas envie de se mêler au monde.&quot;<br /> Cela m'arrive souvent !!!<br /> J'aime beaucoup le dernier haïku avec cet intense &quot;à pleine rétine&quot; !
Répondre
M
Merci Patricia.
M
Oui !
Répondre
M
Merci Marcel.