Dimanche, on tourne... les pages 14 (11)
Compost de haïkus
(isabel Asùnsolo)
Le buis de Chine et ses parfums occupent la moitié de mon jardinet. Partout autour de moi, on élague, on tond, on débroussaille bruyamment, on plante du béton (lé sitèlman plï prop).
Moi j’aime les jardins touffus comme des rêves. Des jardins généreux qui offrent à tout vent, qui partagent. Libre jardin…
Qui me ramène à celui de Plouy, là-bas outre-mer, près de Beauvais… à son tas de compost près du vieux prunier qui a fleuri miraculeusement cette année.
Le compost ! Que peut-on imaginer de plus riche, de plus générateur de haïkus ? isabel Asùnsolo, avec « son amour profond de la nature et de la poésie » (dit la quatrième de couverture) nous le prouve brillamment dans ce joli (joli, joli !) petit recueil
Compost de haïkus
Qui vient de paraître aux Éditions Napodra
Un calendrier-haïkutier de toute beauté. Voilà ce que nous offre isabel : un haïku par mois pour dire les changements subtils de ciel, pour repérer les petites bêtes marque-saison. Les oiseaux surtout, pies, mésanges, merlettes, tourterelle, rouge-gorge… se succèdent et se nourrissent de nos déchets végétaux recyclables, les transforment à leur tour.
Ah ! Ne pas oublier les poulettes…
De la tomme au foin !
Avec les croûtes, Roussette
Va pondre un bel œuf
J’ai toujours pensé que les haïkus pouvaient jouer un rôle éminemment écologique… et pédagogique. Et ce n’est pas ce charmant bouquinet d’une « Collection Poésie Jeunesse » qui me fera changer d’avis.
Les haïkus d’isabel sonnent clairs comme un appel à ouvrir ses cinq sens aux multiples merveilles qui nous environnent. Simple et efficace, ce tas de compost quotidien… mais pas banal. Il recèle tant de trésors !
L’auteure a illustré elle-même ses haïkus : quelques coups de crayon pour brosser le cadre immuable : un toit, un coin de ciel, les murs, deux branches de saule, un rosier grimpant… et, bien sûr l’élément central d’un tas de retailles des nourritures humaines qui deviennent cornes d’abondance pour les petits visiteurs du jardin.
Un décor qui ajuste ses couleurs au fil des saisons : vert printemps et rouge été, ors de l’automne et la neige de décembre ; une belle initiation aux cycles de la nature pour les enfants qui auront le bonheur de découvrir cet album.
Il s’agit là d’une aide aussi pour les animateurs, les professeurs soucieux de faire participer leurs élèves au monde vivant qui les entoure.
Je rêve d’une séquence haïkiste programmée dans la journée scolaire : un moment de non faire, une flânerie pour regarder, écouter, ressentir… un moment privilégié pour se vider l’esprit des apprentissages trop formatés, quelques instants à respirer. Je rêve…
Mais est-ce trop espérer que ce jardin accordé aux enfants d’aujourd’hui ?
Simple hasard ? Si vous regardez bien l’image scannée de la couverture… cet entrebâillement, cette échappée que disent bien les haïkus d’isabel, ceux qu’elle écrit, ceux qu’elle fait écrire aussi lors des ateliers qu’elle anime.
Après avoir savouré la grâce de ces tercets (deux fois au moins comme il convient à la lecture haïkiste), je jette un coup d’œil sur le livre refermé :
« Le haïku est un court poème japonais de trois vers, le premier et le dernier de cinq syllabes, le deuxième de sept. »
5-7-5 ? Comment ne m’en étais-je pas rendu compte ? Et me voilà à feuilleter, à compter 5, 7, 5… ils sont tous écrits sur ce rythme ! Belle performance que d’aboutir à des lignes si fluides, si harmonieuses, sans les ahanements syntaxiques des tâcherons du haïku « classique ». Et, soit dit en passant, nous voilà dotés d’un bel éventail de haïkus 5-7-5 à proposer en exemples lors de nos ateliers.
Merci isabel pour cet ouvrage à la pédagogie joyeuse. Mais, bien sûr, les qualités de transmetteuse, de passeuse, d’isabel ne sont plus à démontrer. Qui ne se souvient de cet outil incomparable qu’est « le haïku en herbe » (isabel Asùnsolo aux Éditions Liroli) ? Il accompagne bien des apprentissages. Gageons qu’il en sera de même pour « Compost de haïkus ».
(Monique MERABET, 6 Avril 2014)
NB : Le « Compost de haïkus » est disponible chez :
Naproda Éditions
137, Avenue Claude Péroche
60180 Nogent-sur-Oise
Courriel : napodra@gmail.com