La mer qu'on voit danser (15)

Publié le par Monique MERABET

La mer qu'on voit danser (15)

PREMIER ÉPISODE

C’est au bord de la mer bleue

Que le paille-en-queue tout blanc

Rencontrant un cerf-volant

Le prit pour l’oiseau de feu.

Il lui fit mille saluts,

Lui dit mille compliments ;

Impassible, le cerf-volant

Resta muet… bien entendu.

Le paille-en-queue fort marri

Se dit : « C’est parce que je suis tout blanc

Que cet oiseau, si beau, si grand,

Ne me veut point pour ami. »

Une idée fixe l’obséda :

Il me faut, comme l’aurore

Transformer mes ternes appas

En somptueux traits multicolores.

Dans un arc-en-ciel de passage

Il plongea et replongea.

Hélas ! sur son triste plumage

Aucune teinte ne se fixa.

DEUXIÈME ÉPISODE

Les poissons dans l’eau claire,

Se mouvaient en féerie,

En kaléidoscope de lumière.

Le paille-en-queue fut ébloui.

Aussitôt, il questionna :

- Comment faire, comment faire

Pour posséder tout l’éclat

De vos couleurs extraordinaires ?

- Chez nous, c’est le Grand Requin Blanc

C’est notre Roi tout puisant

Qui peint, à notre naissance

Nos écailles, à sa convenance.

- Mais, dis-nous, pauvre paille-en-queue,

Toi qui danses dans les cieux

Comment peux-tu prétendre

Au royaume des eaux, descendre ?

- Et, pourquoi changer de plumage ?

Dit un poisson clown bariolé ;

Ici-bas, de son image,

Chacun doit se contenter.

Le paille-en-queue entêté

N’accepta pas la sagesse

Des propos qu’il jugea résignés.

Il repartit, plein de tristesse.

TROISIÈME ÉPISODE

Notre paille-en-queue, obstinément,

Voulut rejoindre le requin blanc

Et s’envola, petit point blanc

Au-dessus du vaste océan.

Le grand requin passant par là

Pensa faire un festin de roi.

Au creux du bec d’un pélican

Toublan fut sauvé de ses dents.

Dès lors, sans joie, tout amaigri,

Fantôme blême, il dépérit

Et songea même à s’exiler,

Cacher sa honte dans la forêt.

Quand en chemin, il découvrit

Une carcasse disloquée

Piteux objet de papier

Le cerf-volant gisait, sans vie.

Le paille-en-queue, revigoré,

S’en fut surfer avec l’écume,

Tout fier de ses si blanches plumes

E de son long, si long, plumet.

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