Le chat et la pluie
LE CHAT ET LA PLUIE
Les contes d’hier
kayanm et bâton de pluie
pour bruitage
Matin de pluie. Caresse du mot pluie. Il y a si longtemps ! Je me demande si je saurai dire encore l’enchantement des goutes sur le balcon, le tambourinement berceur et vivifiant à la fois.
Il a plu. Elle m’a plu, la miraculeuse ondée d’hier soir, la fraîcheur gommant la touffeur d’un jour de Novembre.
Le soleil, puis l’eau : l’essence même de la terre qui nous fut donnée, qui nous engendra peut-être, source de Vie.
Y a-t-il quelqu’un, quelqu’une, pour maugréer ce ciel délicieusement gris, pour regretter le pique-nique annulé, la rencontre sportive reportée ? Le randonneur déçu, on dirait que ça vous gêne de marcher dans la boue… La balade remise à un autre dimanche, aux vacances prochaines, est-ce si grave ?
Je savoure le commandement implicite de la pluie du dimanche, reste donc tranquille à ta case, ma fille, ouvre ce roman que tu n’as pas encore eu le temps de découvrir, laisse le temps se recroqueviller à l’abri, comme ce chat dormant.
Une vraie pluie de printemps qui va vers l’été, à la mesure d’un cycle de saison, gouttes tombant avec une douce régularité pour ne point surprendre la terre assoiffée, ne pas la déranger. Juste l’abreuver, la pénétrer tilanp tilanp jusqu’au réseau touffu des racines, aux radicules qui attendent… poussée future de sève comme cette montée de lait chez la mère qui allaite.
La pluie me rend lyrique. Je suffoque presque de joie à sentir cette odeur d’eau qui s’exhale du sol détrempé. D’autres parfums aussi, m’arrivent, particules accrochées à celles de l’air moite, degré hygrométrique élevé.
Fraîcheur de la pluie
ô tourterelle, aurais-tu
un chat dans la gorge ?
D’autres chants, encore. Une plage de silence ; puis le chuintement des pneus dans les flaques, sur la chaussée, plus loin. L’odeur du café au lait ; je crois presque entendre le grignotement d’une tartine ; la voisine d’outre-clôture parle la bouche pleine, c’est indéniable.
Au clocher, quelques sons appellent à la messe. Prions tous en chœur avant de retourner au carry de fête à préparer. Le goût pays de la volaille qu’on sacrifiait la veille, saveur des dimanches d’autrefois.
J’ai aperçu tout à l’heure, un mince rai de soleil à l’arête du mur et ce coléoptère aux reflets bleu vert métalliques qui s’y promène… vite disparus. Le temps d’écrire deux paragraphes.
Tout s’assombrit de nouveau. Les criaillements des martins, seuls à occuper le champ des sons. L’air frissonne sur mes bras nus.
J’aime la pluie. Le dimanche, surtout.
Le vieux chat qui dort
- retour d’un soleil fugace -
n’ouvre pas les yeux
(Monique MERABET, 16 Novembre 2014)