Les échos de l'expo (3)

Publié le par Monique MERABET

Les échos de l'expo (3)

Sur les murs de la Bibliothèque Alain Lorraine, 14 tableaux témoignent du talent de l'illustratrice pour faire passer du texte à l'image.

Et si l'on passait de l'image au texte?

Céline Manoël et moi-même, nous avons souhaité que ses peintures soient accessibles aux Déficients visuels, ceux à qui il manque un sens, celui le plus nécessaire pour appréhender cette palette des couleurs de l’artiste, ces arcs-en-ciel chatoyants…

Interpénétration de deux mondes (presque) antagonistes. Passerelles à imaginer pour relier les couleurs vives de la peintre, étincelles, rayonnements, éclats de lumière à une autre perception, occultant les teintes. Glaçage du papier, du lissage des pastels, à faire passer dans une autre dimension sensorielle. Á l’arc-en-ciel d’une palette, rajouter la huitième fréquence, au-delà du spectre même étendu de l’infra rouge à l’ultra violet, celle de l’absence, de la non-couleur. Pénétrer dans cet univers toutes lumières éteintes, chercher au fond de soi d’autres repères, d’autres échos de son corps : chant, parfum, saveur, toucher… mouvement aussi.

Bien sûr, il y a la solution de lire le texte accompagnant chaque tableau et chacun pourra se créer sa propre « image » puisée au tréfonds de sa mémoire sensorielle particulière. Mais le texte poétique ne dira rien de ce qui a touché l’illustratrice, ce qui a créé chez elle le désir de tracer tel ou tel trait, de retenir tel ou tel habillage, de donner de l’importance à un détail plutôt qu’à un autre (je pense en particulier aux évocations de l’âne et du bœuf réduits à une oreille ou une corne)., de dessiner un objet et pas un autre.

Pour nous y aider, les commentaires des élèves d’une classe de Seconde qui ont livré ce que leur évoquait le tableau… avant de connaître l’histoire. Et cela a donné parfois de surprenants rebonds.

Les textes des lycéens seront enregistrés et serviront de guide pour une deuxième exposition qui aura lieu en Février à la Médiathèque de Sainte-Marie qui abrite une salle « Lire Autrement » dédiée aux déficients visuels qui y trouvent ouvrages en Braille, livres-audio, CD enregistrés à leur intention… et animations (conférences, ateliers, contes, etc).

Pour donner un avant-goût de l’exposition à venir, voici l’exemple des flocons de neige :

L’épisode du conte :

Les flocons de blanche ouate qui s’accrochaient aux aiguilles du sapin de Noël et parsemaient le sol environnant, n’appréciaient guère toute cette agitation autour de la fleur. Ils prirent un air sévère pour admonester leur entourage :

« Vous ne rêvez que de paraître ! Pourquoi vouloir troquer votre virginale beauté contre le mirage de couleurs de pacotille ? Regardez nous. Nous sommes nés tout blancs et nous en sommes satisfaits. Est-ce que vous imaginez la neige fondant en flaques bleues, rouges ou vertes ? Ce serait du propre !

Non ! Noël est blanc… et se doit de garder cette blancheur. C’est à la mémoire humaine d’y broder tout un vitrail de souvenirs, un arc-en-ciel de sensations, un abécédaire de traditions. Votre poète manquerait-il d’imagination ? » (Monique Merabet)

L’illustration de Céline Manoël

Les échos de l'expo (3)

« Il fait froid, plus de courbe, plus de jeu. Les lignes sont droites, elles s’enfuient vers l’horizon, horizon glacé et rectiligne. » (Céline Manoël)

Commentaire sur l’illustration par l’auteure :

Froid. Figé. Glacé. Infini d’un paysage silencieux, inanimé. Vide où se perd une étoile de fleur à peine ébauchée. Conscience d’être engloutie dans ce lisse magma, prisonnière d’une absence. Hiver.

Et puis quelques sillons transparaissent, fonte des neiges portant l’espoir d’un printemps. Chuchotement d’un filet d’eau.

Mais pour moi, Réunionnaise, la neige n’est qu’en fac-similé : flocons de ouate pendant aux branches. Douceur du coton dans lequel j’enfouirai mon rêve de Noël blanc. (Monique Merabet)

Et le commentaire d’une lycéenne (qui, rappelons-le, ne disposait que de l’image)

C. parle d’un tableau qui pourrait s’appeler « Petit bout de paradis »

« La sagesse de la mer comble le bruit des vagues. Le reflet du coucher de soleil m’apporte un petit moment de détente sur une plage au sable blanc.

La fleur est en mouvement sous un beau ciel dégagé.

C’est un petit coin de paradis, avec un grand calme. »

Oh ! Noël à la Réunion…

Publié dans Evènements

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D
Quel beau travail ! Et sans doute des heures et des heures d'investissement. Félicitations.
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