Le haïku de Monsieur Jourdain
LE HAÏKU DE MONSIEUR JOURDAIN
Panache de nuage. La tête trop grosse d’un lutin gringalet de Là-haut ? Un signal de fumée pour me signifier que… ? Je n’ai pas le temps d’aller au bout de mon investigation. Le cri inquiet de l’oiseau me rappelle que je n’ai pas encore versé mon obole de riz du jour.
Que ta volonté soit faite, moineau ! Pendant ce temps-là, le nuage a disparu. Nuage à grande vitesse ! Il suffit parfois que je pose mes yeux sur le cahier pour noter un aspect, une teinte (un peu jaunâtre ce matin) et, Pfutt… évaporé mon beau nuage vaporeux !
Mes pensées aussi s’envolent avant que j’aie le loisir de les poser, mot à mot sur le papier. Au bout de la phrase si élégamment élaborée, Pfutt…. Ne restent que ces mots banals, ces mots qui ne veulent plus rien dire, qui ont oublié l’instant qui les a générés.
Un haïku perdu, noyé, emberlificoté dans trois lignes embarrassées. Ou bien, tercet en rade, incapables de se faufiler à travers l’embouteillage des idées bousculées, dévoyées de leur chemin de paix.
………………………………………. Caillou sur ma page
bruit de la débroussailleuse bruit de la débroussailleuse
Caillou sur ma page …………………………..
Et c’est la troisième ligne qui fait défaut… ou la première.
Haïku tronqué ?
J’imagine le Maître de philosophie apprenant le noble art du haïku à Monsieur Jourdain. Ce serait amusant de parodier la scène…
« Belle Marquise vos beaux yeux me font mourir d’amour » Hum !
D’abord, supprimer « beaux », « belle ».
Et ce « mourir d’amour », c’est un sentiment, une façon de conclure en fermant le tercet…Trouver un ressenti concret pour l’exprimer et vérifier par la même occasion la sincérité de l’amour exprimé. Décrire les mouvements de son cœur qui bondit ? hoquette ? bate dann son do ? s’affole ? pérdlèr ?
Marquise
Vos yeux… et mon cœur
Bat trop vite
Et sa version créole :
Mi pérdlèr
Ah ! Out zië, Marquise
Ouay mon kër !
C’est un haïku minimaliste en plus : 3-5-3. Il peut aussi servir de sirandane pour un jeu de « Kèl liv i lé ? » (De quelle œuvre littéraire s’agit-il ?)
(Monique MERABET, 26 Mai 2015)