La mue de la chenille
LA MUE DE LA CHENILLE
Dimanche à Gillot
le dernier avion de nuit
décolle sans moi
Désir irrévérencieux d’un jour de pluie d’hiver qui ne durera pas plus qu’un jour d’hiver. Des ailes passent dans l’air chargé de gouttelettes. Me laissant la compagnie du chat qui ne lève même pas la tête pour me dire bonjour. Le chat… toujours le même. Et si c’était par amour pour moi qu’il revenait jusqu’à ma véranda où il n’y a pas souvent quelque chose à grignoter.
Je me méfie toujours du chat qui dort. C’est peut-être une chatte en quête d’un chiffon hospitalier où mettre bas.
Je voudrais me faire boule et rouler au fond du jardin et rester oubliée là. Ne rien entendre, ne rien voir, ne rien dire : préceptes de « sagesse » bouddhiste que j’ai réfutés parce qu’ils me semblaient en contradiction avec la sagesse du haïku. Ouvrir ses sens, écrire ses ressentis. Mais là, oui, me mettre en boule, me semble la meilleure façon de me préserver de la souffrance du monde. Ne la renvoyez pas surtout, la sphère uniquement destinée à l’escargot antipodiste. Me ferait-il seulement vaciller ?
Rester dans ma chrysalide en attendant mieux. Comme la chenille de la classe de Maternelle Moyenne section de Bois-de-Nèfles.
Cocon de grolay
sous les feuilles de margoz
mue ratatinée
Ah ! Le métier d’enseignant en Maternelle est plein d’émerveillement ! Comme il était beau cependant son fourreau jaune rayé de bleu ! Mais elle s’en moque la chenille, qui n’est déjà plus chenille rampante ; bientôt, il s’envolera, ailes de velours nuit, pailleté d’or. Il s’envolera… Le fera-t-il avant les vacances pour faire briller les yeux des enfants ?
Pour moi, le temps des vacances s’est enfui à jamais. Et cette chenille qui hantait aussi les galaberts, a fait partie des terreurs de mon enfance.
B A du dimanche
le lombric du carrelage
remis à la terre
(Monique MERABET, 28 Juin 2015)
Grolay : nom créole du papillon sphinx tête de mort
Margoz : sorte de liane potagère employé en rougail pour sa saveur amère